11 mars 2014

Des solutions nouvelles pour mieux gérer les terres polluées


La première plate-forme fluviale de recyclage des terres polluées est en fonctionnement depuis peu à Sotteville-lès-Rouen (76). L’occasion de faire un point sur les avancées dans le domaine du traitement des sites et sols pollués. De la base de données TERRASS à l’outil interactif SelecDEPOL en passant par la « bourse aux terres », les nouveautés sont nombreuses depuis l’automne dernier.
La première particularité de cette nouvelle unité de traitement est d’être fixe, ce qui permet de traiter de plus gros volumes de terres que les unités mobiles qui s’installent sur chaque chantier de dépollution » explique Céline Blanc, chef de projet sites et sols pollués au BRGM, à propos de la nouvelle plate-forme de Sotteville-lès-Rouen.
Par S. Luneau La Gazette le 13/02/2014 


La première plate-forme fluviale - Second avantage : c’est une plate-forme fluviale. Le transport s’effectue sur la Seine entre le port de Gennevilliers à Paris et celui de Rouen. « Ce transport à grand gabarit permet de transporter de gros volumes à un coût modique pour un bilan carbone très favorable et d’accéder au cœur des villes » analyse Christel de la Hougue, déléguée générale de l’union des professionnels de la dépollution des sites (UPDS).
L’unité utilise une technique de lavage, de tri et de criblage sous eau sans rejets de fumée ni d’eau. « Connue depuis plus de quinze ans dans les pays du Nord de l’Europe, elle l’est encore peu en France. Elle permet de recycler 70 % des terres polluées(1). Les 30 % de fines qui concentrent la pollution vont en centre de stockage de déchets dangereux » explique Manuel Roussel, directeur général de Solvalor, filiale d’Idra Environnement. La plate-forme est prévue pour traiter 300 000 tonnes par an et les bons de commande étaient déjà remplis avant son lancement.
Une traçabilité obligatoire des terres polluées - « Ce type d’équipement est à développer car ces installations fixes sont plus faciles à contrôler » souligne Béatrice Delcour de la DrealNormandie. Cette plate-forme s’inscrit dans la logique du « Guide de réutilisation hors site des terres excavées en technique routière et dans des projets d’aménagement » publié par le ministère de l’Ecologie en 2012, et de la mise en place d’une traçabilité obligatoire des terres polluées. C’est l’objet de l’applicationTerrass(2). Les données stockées (localisation, origine, qualité des matériaux, caractéristiques du site d’accueil, quantités…) sont nécessaires à l’édition des bordereaux de suivi de terres réutilisables (BSTR). Une « bourse aux terres » est également en ligne depuis l’automne dernier.
Une multitude de techniques de dépollution - Depuis novembre 2013, l’outil interactif SelecDEPOL propose aux maîtres d’ouvrage une aide à la décision pour pé-sélectionner une technique de traitement adéquate. Une trentaine de techniques y sont décrites. « Les plus utilisées in situ sont le venting. Le thermique se développe bien également » commente Christel de la Hougue.
Le dernier guide de l’Ademe sur le taux d’utilisation et le coûts des différentes techniques date de 2012 et s’appuie sur des données de 2010. Le prochain devrait sortir très prochainement. L’Ademeprépare par ailleurs une journée technique sur la reconversion des friches urbaines polluées les 25 et 26 mars.
Créer des zones de vigilance dans les PLU - Enfin, le sénateur René Vandierondinck (PS) vient de déposer un amendement à la loi Alur pour que la problématique des sites et sols pollués soient mieux prise en compte [Voir notre article sur ce sujet]. « L’UDPS soutient ce texte qui demande la création de zones de vigilance dans les PLU afin que les problèmes de pollution des sols soient intégrés aux demandes de permis de construire » conclut Christel de la Hougue.
Note 01:
30 % de granulat et 40 % de sable -
Note 02:
Terres Excavées Réutilisées de façon Raisonnée dans des Aménagements en Sous Structures -

Blocage de la plate-forme de Sotteville-lès-Rouen

La société Solvalor est dans le collimateur d’une association écologiste qui prévoit le blocage de son site jeudi 13 février, à Amfreville-la-Mivoie. Les détails ici.
  • Terres polluées : le site Solvalor bloqué dans l'agglomération de Rouen

    Chargée de dépolluer des terres, la société Solvalor est dans le collimateur d'une association écologiste qui prévoit son blocage jeudi 13 février, à Amfreville-la-Mivoie. Détails.

    Dernière mise à jour : 12/02/2014 
    La société Solvalor a débuté son activité (Photo Jean-Marc Donnaes)
    La société Solvalor a transféré des terres polluées
     sur un terrain voisin (Photo Jean-Marc Donnaes)
    Depuis quelques jours, Solvalor a repris le site où travaillaient les sociétés Deep Green et 3L Normandie, à cheval entre Sotteville-les-Rouen et Amfreville-la-Mivoie, dans la banlieue de Rouen. Une installation déjà vivement contestée par les écologistes lors de l’enquête publique qui a précédé. Et c’est pour dénoncer une absence d’autorisation que l’Association amfrevillaise pour la défense de l’environnement et la sécurité routière veut bloquer symboliquement le site jeudi 13 février 2014, entre 9 heures et 13 heures.
     
    On reproche le fait que Solvalor a déplacé des terres polluées sur un terrain voisin, sans autorisation préablable, alors que ce terrain n’est pas prévu pour. Les terres étaient bâchées et ont été en partie transférées, indique Philippe Vue, vice-président de l’association. On a l’impression qu’il faut toujours avoir un œil sur ce qui se passe…
     
    Au moment de l’enquête publique, il était question de traitement des terres polluées par lavage, et également de concassage, ce que refusaient les militants  écologistes qui dénonçaient aussi le non-respect de l’arrêté préfectoral, celui qui encadre la valorisation des terres abandonnées sur le site.
    Ce site n’en finit pas de poser problème : le combat que les membres de l’Association amfrevillaise pour la défense de l’environnement et la sécurité routière ont mené, avec la municipalité d’Amfreville-la-Mivoie, contre les pratiques de la société Deep Green (spécialisée dans le traitement des terres polluées aux hydrocarbures) est encore dans toutes les mémoires. Deep Green partie, la lutte s’est poursuivie contre le repreneur de l’activité, la société 3L Normandie, laquelle utilisait le matériel vétuste que Deep Green avait laissé derrière elle.

    111 000 tonnes de terre à valoriser

    Ce que dénoncent à présent les écologistes, c’est le non-respect des termes de l’arrêté préfectoral du 22 novembre 2012. Un document qui autorise le Grand Port Maritime de Rouen à effectuer des travaux d’office sur ce site, pour valoriser les 111 000 tonnes traitées et abandonnées au fil des années par Deep Green et 3L Normandie. Le 18 novembre 2013, l’association a écrit au préfet pour lui signaler que « cet arrêté préfectoral n’est pas respecté ». Les précisions de Philippe Vue :
     
    Les terres se trouvent actuellement sur un terrain qui n’est pas homologué pour recevoir des déchets. Ce site, voisin de celui où se trouvait 3L Normandie, est un ancien site de transport frigorifique, pas prévu pour recevoir de telles quantités de terres. Et il faut que ces terres soient bâchées. Comme ce n’est pas le cas, on est face à un gros risque de pollution de la nappe phréatique. »
     
    3L Normandie a été mise en liquidation judiciaire en mai 2011. Solvalor, qui attend toujours son autorisation préfectorale, ne procéderait plus au traitement des terres par procédé thermique, mais par lavage.
     
    Deep Green avait le droit de traiter 150 000 tonnes de terre par an. Là, on nous parle de 250 000 à 300 000 tonnes… En plus du traitement des terres par lavage en circuit fermé, cette nouvelle société, qui s’appelle Solvalor Seine, demande l’autorisation de faire du concassage, indiquait Philippe Vue au moment de l’enquête publique. À raison de 200 tonnes par heure ! »
    De l’autre côté de la Seine, trois cents mètres plus loin, Amfreville-la-Mivoie. « En face, on parle d’ouvrir les lieux à l’urbanisation alors on ne comprend pas une telle activité en plein cœur de l’agglomération », relève Philippe Vue. Bonsecours, Amfreville-la-Mivoie et Saint-Léger-du-Bourg-Denis ont donné un avis défavorable lors de l’enquête publique qui s’est déroulée du 4 novembre au 6 décembre 2013. Le préfet de Seine-Maritime n’a pas encore rendu sa décision.
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Dans une affaire récente, le Conseil d’Etat fait primer la nécessaire dépollution d’un site, 
quitte pour cela à valider les effets d’un acte administratif pourtant entaché d’illégalité.
En l’espèce, la commune de Montreuil a chargé la société d’économie mixte Montreuil Développement (Modev) de l’aménagement de la zone d’aménagement concerté de la « Porte de Montreuil ». Il s’agit notamment de construire sur un terrain des logements et une école. Or le site se révèle fortement pollué au mercure, du fait de l’exploitation d’installations classées entre 1903 et 1993. Le préfet de la Seine Saint Denis met alors en demeure la société Modev de procéder à la remise en état du site. Le coût de cette dépollution s’élève à 423 385, 59 euros. Bien que s’étant exécutée, la société Modev fait valoir devant le juge l’illégalité de l’arrêté préfectoral : elle n’a jamais eu la qualité d’exploitant d’une installation classée.
Substitution de base légale - L’arrêté litigieux a été pris sur le fondement des dispositions du Code de l’environnement relatives aux installations classées (art. L. 514-1 issu de l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976 pour la protection de l’environnement). Le Conseil d’Etat constate ainsi une illégalité fautive reposant sur l’erreur de base légale et reconnait la justesse du raisonnement juridique des juges du fond (TA Cergy-Pontoise 21 févr. 2008, req. n° 0501699 et CAA Versailles 9 déc. 2008, req. n° 08VE01126 et 08VE01127). Mais, par ailleurs, « il résulte des pièces du dossier », que la société Modev « pouvait être regardée comme le détenteur des déchets en cause ». En effet, selon d’autres dispositions du code (art. L. 541-2), le détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l’environnement a l’obligation d’en assurer l’élimination. Et en cas de carence de l’autorité municipale dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, le préfet doit prendre, à l’égard du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement. Autrement dit, le Conseil d’Etat, bien qu’ayant reconnu illégal pour erreur de base légale l’arrêté litigieux, opère une «sorte de substitution de base légale : le préfet « aurait dû sur le fondement de l’article L. 542-2 du Code de l’environnement imposer à la société Modev l’élimination des déchets et la remise en état du site, indispensable à la réalisation du projet d’aménagement. Cette sorte de glissement juridique » est de nature à écarter l’engagement de la responsabilité de l’Etat. D’autant, rajoute le Conseil d’Etat, que l’illégalité fautive de l’arrêté ne n’est pas à l’origine des préjudices subis par la société Modev.

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