7 février 2015

Comment les lois Notre et Macron redessinent (mal !) le visage des transports

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Alors que la loi de transition énergétique ne s'intéresse qu'au véhicule électrique, les projets de lois Notre et Macron transforment le paysage institutionnel et économique du transport, en conférant notamment aux régions un rôle central. Plusieurs dispositions relatives à l'ouverture des données ou au covoiturage ont également été glissées dans le texte présenté par le ministre de l’Économie.

Déjà renforcées par la loi Maptam, qui leur avait octroyé le chef-de-filât sur l’intermodalité, les régions vont voir leur compétence transport élargie avec les projets de lois de Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et « sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances » (loi Macron). Mais pour que l’autorité régionale soit vraiment confortée, il faudrait que les députés reviennent sur le détricotage du projet de loi NOTRe effectué par le Sénat.

Le yoyo des compétences

Car entre la version présentée par le gouvernement, celle qu’a adoptée le Sénat le 27 janvier dernier, et celle qui émanera de l’Assemblée nationale, la répartition des compétences territoriales aura été fortement ballotée.  La voirie départementale, par exemple : confiée aux régions dans le projet gouvernemental, conservée par les départements dans la copie rendue par le Sénat, elle pourrait bien réintégrer l’échelon régional à l’issue de l’examen du projet de loi en séance par les députés, qui doit débuter le 17 février prochain.
Consensus en revanche sur les transports non urbains, le Sénat ayant approuvé le transfert aux régions. En revanche, la Haute assemblée a souhaité en exclure le transport scolaire. De quoi brouiller un peu plus les cartes sur « qui fait quoi » en matière de mobilité. Le secrétaire d’État à la Réforme territoriale, André Vallini, a donc plaidé, lors de son audition le 3 février par la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour davantage de cohérence : « il faut que la région ait une vision globale des transports terrestres, des trains, des cars, des routes, j’ai bien dit des routes, y compris les transports scolaires », a-t-il insisté. Convaincue, la commission des lois a finalement réintégré ces derniers dans le giron des régions.

Transport interurbain : une libéralisation…

Les régions devraient donc hériter du transport interurbain, qu’elles pourront déléguer aux autres collectivités. Le pendant de cette évolution se trouve dans le projet de loi Macron, dont l’article 2 prévoit l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocar interurbaines régulières.
Lors de l’examen de cette disposition par les députés, les passes d’armes se sont multipliées, certains – communistes, écologistes, mais aussi socialistes – estimant que cette arrivée des opérateurs privés nuirait fortement à l’équilibre, déjà souvent précaire,  de lignes ferroviaires dans lesquelles les régions ont beaucoup investi ces dernières années. Une crainte balayée récemment par l’institut France Stratégie, qui assure, en s’appuyant sur l’expérience de nos voisins européens, que la voiture individuelle pâtirait davantage que le train de cette libéralisation. Le ministre de l’Economie a également plaidé pour cette dernière dans l’hémicycle, assurant qu’elle bénéficierait au  » maillage territorial », et que les autocars n’avaient plus à rougir de leur bilan écologique, ce que confirme une étude de l’Ademe.

…encadrée partiellement par les régions

Surtout, la commission spéciale de l’Assemblée a introduit une forme de régulation, par les régions, de ce nouveau marché, en créant un seuil de 100 kilomètres en deçà duquel les projets de liaisons par autocar devront faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ex ARAF, devenue ARAFER. Cette dernière devra alors informer « sans délai les autorités organisatrices de transport concernées ». L’AOT pourra dès lors « interdire ou limiter » la liaison si elle estime qu’elle porte « une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ». 
Ce dont s’est félicité le rapporteur thématique de la commission spéciale de l’Assemblée, Gilles Savary (PS) : « Demain les régions pourront […] protéger leurs lignes de service public chaque fois qu’une ligne de car s’ouvrira. »
L’association des régions de France (ARF), qui milite pour ne pas  » voir [le rôle des régions] limité à compenser avec des ressources publiques les liaisons moins rentables dont ne voudrait pas le secteur privé », affiche une satisfaction en demi-teinte, regrettant que le seuil ne soit pas fixé à « au moins 250 km ».
A noter également, l’Arafer, dont les compétences sont fortement élargies, sera chargée d’évaluer chaque année les effets de cette ouverture à la concurrence « en tenant compte de l’impact environnemental, de la cohérence intermodale des services de transports collectifs et de l’égalité des territoires « .
FOCUS

Gares routières, voies réservées et open data

Ouverture des données – Contre l’avis du gouvernement qui souhaitait intégrer cette disposition dans la future loi « numérique », les députés ont adopté des amendements à la loi Macron en faveur de l’ouverture des données. Il est ainsi prévu que « les principales données des services réguliers de transport public de personnes sont mises à la disposition du public en ligne, sous un format ouvert et librement réutilisable. » Des données qui incluent « les arrêts, les horaires planifiés et les informations sur l’accessibilité aux personnes handicapées » précise le texte, qui prévoit tout de même que les modalités d’application de cette ouverture des données « seront définies par décret après consultation des organisations représentatives des autorités organisatrices et des opérateurs de transport ».
Gares routières – Le projet de loi Macron prévoit également d’intégrer les gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité. Il autorise le gouvernement à procéder par ordonnance pour définir les besoins en matière de :
  • stationnement sécurisé des vélos dans et aux abords des gares;
  • transport de vélo dans les autocars;
  • accessibilité des gares par les personnes à mobilité réduite et les cyclistes;
  • facilités de connexions avec les autres modes de transport
L’Arafer se voit au passage confier la mission de « préciser les règles s’appliquant aux gestionnaires des gares routières de voyageurs en matière d’accès aux gares, d’assurer le contrôle de ces règles, notamment en veillant à l’accessibilité des gares pour les cyclistes, et de prononcer des sanctions ».
Tarifs différenciés et voies réservées – Au diapason de la feuille de route environnementale pour 2015 du gouvernement, le projet de loi Macron entend favoriser les véhicules propres et le covoiturage. Il instaure ainsi la possibilité d’instituer des tarifs « différenciés » aux péages autoroutiers afin de « favoriser les véhicules les plus sobres et les moins polluants, ainsi que ceux identifiés comme étant utilisés de manière régulière en covoiturage ou par au moins trois personnes ».
Le texte introduit enfin un régime de circulation spécifique pour les modes « vertueux » sur les autoroutes. Une voie pourra ainsi être réservée « sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole », aux heures de pointe, pour les véhicules « les plus sobres et les moins polluants », les taxis, transports collectifs, services d’autopartage et voitures comptant au moins 3 personnes. Une politique qui a notamment fait ses preuves aux États-Unis et en Espagne.

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