9 avril 2013

Finances : la baisse des dotations sera-t-elle inéquitable ?

R. Richard, J. Paquier | A la une | France | Publié le 08/04/2013

La réduction des concours de l’Etat aux collectivités territoriales en 2014 et 2015 se traduira par des scénarios plus ou moins douloureux. Rien n’est tranché, mais les lobbys s’agitent. La Gazette a recueilli le témoignage de 3 DG - d’interco, de département, et de région – qui éclairent les conséquences de ces scénarios pour leur strate de collectivité.


Faut-il que la totalité de la baisse des concours de l’Etat – 1,5 milliard d’euros en 2014 et 3 milliards en 2015 – soit supportée par le bloc local, ou les départements et les régions doivent-ils en prendre leur part ?
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a fourni une partie de la réponse en affirmant, lors de la conférence des finances publiques locales du 12 mars, que tous les niveaux de collectivité seraient appelés à contribuer à la ponction. Une déclaration rassurante pour le bloc local, qui craint d’être le plus touché, comme le souhaitent notamment les fonctionnaires de Bercy. Le débat s’annonce tendu.
Pourcentage identique -
D’un côté, le bloc local plaide pour que les dotations de chaque collectivité, quelle que soit sa strate, soient réduites d’un pourcentage identique. Ainsi, chacune contribuerait à hauteur de ses moyens. Il s’agirait, en quelque sorte, d’opérer un prélèvement équitable au sein d’une dotation globale de fonctionnement (DGF) jugée inéquitable.
De l’autre, régions et départements mettent en avant leurs difficultés respectives – absence d’autonomie fiscale et poids des allocations de solidarité – pour demander grâce. « Le premier engagement du gouvernement envers [ces derniers] étant de leur donner davantage d’autonomie fiscale, il semble difficile de commencer par réduire leurs dotations », fait valoir un expert.

Une ponction sur les compensations des concours de l’Etat (situées hors du périmètre de la DGF), qui figure parmi les scénarios étudiés, « toucherait particulièrement les communes et aurait un effet contre-péréquateur en pénalisant celles les plus en difficulté », indique l’Association des maires de France.
Concurrence entre collectivités -
« Certains veulent tenir compte de l’effort fiscal pour le choix du critère sur lequel s’opérerait la baisse, rapporte Nicolas Portier, délégué général de l’Assemblée des communautés de France. Pour l’instant, nous sommes plutôt sur un système simple de réduction, afin de ne pas multiplier les péréquations ».
Ainsi, l’Association des maires de grandes villes de France a défendu la prise en compte des dépenses d’investissement, pour que ceux qui investissent plus soient moins ponctionnés.
Mais ce critère, dont l’évolution est cyclique, nécessiterait de considérer non pas une, mais plusieurs années de référence, afin aussi d’éviter que certains augmentent leurs investissements en 2013 pour être moins touchés l’année suivante. « Cette solution serait favorable aux groupements », note Nicolas Portier, du fait de dépenses d’investissement supérieures à celles des autres échelons ces dernières années.
En voulant ajouter d’autres critères, le risque est de se lancer dans un débat interminable qui pourrait exacerber une certaine concurrence entre collectivités. Le bloc local avance, en effet, deux arguments pour défendre l’application d’une solution identique pour tous sans tenir compte des difficultés particulières :
  • sa simplicité, alors qu’un dispositif doit être mis au point d’ici juin afin d’être intégré dans la loi de finances pour 2014, ce qui n’empêcherait pas une refonte plus globale des concours de l’Etat en 2015 en vue de créer un système plus « juste » ;
  • l’existence d’autres réflexions en cours – sur l’évolution des dispositifs de péréquation notamment – qui visent à améliorer le côté équitable du système.
Des idées de ressources - Les régions ne sont pas opposées à une baisse proportionnelle des dotations en fonction des budgets locaux, indique pour sa part l’ARF… à la condition de disposer de nouvelles ressources.
Elle a notamment émis, dès juillet, des propositions relatives à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, au versement transport, à une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, ex-TIPP) frappant le kérosène, etc.
L’Assemblée des départements de France n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet, qui est traité dans le cadre d’un groupe de travail Etat-département relatif aux allocations de solidarité.
L’une des solutions étudiées par les directions générales des collectivités locales et du budget consisterait, pour l’Etat, à s’approprier le produit des amendes de police (500 millions) et le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (400 millions). Les 600 millions restant seraient à ponctionner sur les traditionnelles variables d’ajustement de la DGF.
Le Comité des finances locales arrêtera le 13 juin ses propositions, avant un nouveau rendez-vous avec le Premier ministre fin juin.

La justice par la péréquation

Le bloc local préconise de distinguer la baisse des dotations et l’amélioration du caractère « juste » des concours de l’Etat, qui passe par la péréquation. Des évolutions des dispositifs de péréquation seront d’ailleurs au programme du Comité des finances locales.
La direction générale des collectivités locales vient de mettre en ligne [2] les montants pour 2013, notamment les nouveaux mécanismes régionaux et départementaux sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Pour les régions, près de 22,8 millions d’euros ont été prélevés de six contributeurs dont les plus importants sont l’Ile-de-France (11,7 millions) et Rhône-Alpes (8,4). Nord – Pas-de-Calais est le plus gros bénéficiaire (4,6).

Des recettes moindres à déplorer… sans ignorer la situation des finances publiques

Intercommunalité – CA de la vallée de Montmorency (Val-d’Oise) – 109 960 hab.
Avec une sincérité rare, Patrice Girod reconnaît que les intercos ne sont pas aujourd’hui les plus à plaindre : « Nous avons hérité de la part de taxe d’habitation des départements, et percevons ainsi de la fiscalité ménages sans en avoir les charges. »
Selon le DGS, la Cavam, qui compte huit communes, maintiendra son programme d’investissement. « Notre inquiétude provient davantage de l’intégration d’Enghien-les-Bains, qui va aboutir à ce que nous contribuions désormais au fonds de péréquation horizontale, souligne-t-il. Et les schémas de mutualisation ne produisent pas d’économies immédiates. On ne peut se satisfaire d’une baisse de nos recettes, on peut même la déplorer. Mais, compte tenu de la situation de nos finances publiques, on peut la comprendre. »

Les dépenses d’investissement seront en très forte diminution

Département – Sarthe – 561 050 hab.
Une baisse de 1,5 milliard d’euros de DGF équivaudrait approximativement à 3 millions de recettes en moins pour la Sarthe, sur un budget de 475 millions. « Ce n’est qu’un élément de plus dans une équation qui se tend chaque année », résume le DGA Frédéric Fiévet.
La hausse des prestations de solidarité n’est ici pas fictive : en 2012, le RSA a crû de 5 % (+ 3 millions), l’APA de 9 % et la PCH de 17 % (+ 2 millions chacune). Soit une hausse cumulée de ces charges de 7 millions d’euros. « Or un point de fiscalité rapporte moins d’un million d’euros », indique Frédéric Fiévet. Si la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a augmenté de 7,5 % en 2012 et si la péréquation sur la CVAE compense la décrue des droits de mutation à titre onéreux, l’investissement baissera inévitablement.

L’impact de la réduction des concours de l’Etat devrait être relativement modéré

Région Centre – 2,52 millions d’hab.
La région Centre a intégré l’austérité à sa prospective, avec un scénario pessimiste se traduisant par une baisse de 3 % de la DGF, soit 10 millions d’euros en 2014. « Nous proposons aux élus d’imputer cette décrue pour un tiers sur le budget de fonctionnement, pour un autre sur celui d’investissement, le dernier tiers étant compensé par l’emprunt », résume le directeur général délégué de la gestion publique et des finances, Benoît Rochas. Les marges de manœuvre sont réduites. Seule une augmentation légère de la taxe sur la délivrance du certificat d’immatriculation est envisagée (+ 2,5 %). La CVAE n’a augmenté que de 2 % en 2012. Et le conseil régional subit la hausse de certaines charges liées au renouvellement de sa « convention TER » ou à ses loyers de crédit-bail ferroviaire. « Globalement, l’impact pour nous demeure relativement modéré ».

CHIFFRES CLES

1,5 milliard d'euros de moins sur les dotations à partir des recettes reviendrait à établir ainsi la participation entre niveaux de collectivité :
  • 169,4 M€ pour les régions,
  • 485,7 M€ pour les départements,
  • 257,8 M€ pour les intercommunalités
  • et 586,9 M€ pour les communes.
Source : calculs effectués à partir de la note de conjoncture 2012 de la direction des études de La Banque postale.

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