24 avril 2013

Tribune de l’Humanité : projet de loi sur les métropoles

23 avril 2013

Que cache le gouvernement derrière le projet de loi sur les métropoles ?
Une cure d’austérité imposée aux collectivités locales


Par Christian Favier, sénateur, Président du Conseil général du Val-de-Marne.

Fin mai, le Sénat débattra du projet de loi sur la création des métropoles, censé constituer la première étape d’un acte III de la décentralisation. Cet ensemble de trois textes, élaboré dans l’urgence, sans aucune concertation ni avec les populations ni avec leurs élus, révèle l’extrême fragilité du pouvoir, qui, en cherchant à lisser la réforme dans le temps, essaie de masquer le manque d’ambition et de démobiliser les doutes ou les oppositions affichés par nombre d’élus de toutes sensibilités.

De fait, il ne s’agit pas d’une nouvelle étape de la décentralisation, mais d’un projet qui vise avant tout à imposer une cure d’austérité aux collectivités locales.

Rien, en effet, dans le projet du gouvernement ne conduit à améliorer la vie quotidienne des Franciliens. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet, puisque, selon le premier ministre, «  la France a besoin d’une grande métropole mondiale à Paris pour traiter la question du logement  ». Si le logement constitue un problème majeur, ce n’est pas faute de structure pour avancer, mais bien en raison d’une spéculation foncière et immobilière effrénée, favorisée par des années de pouvoir de droite et non remise en cause à ce jour par le gouvernement Ayrault. En tout cas, cela n’a rien à voir avec le rayonnement mondial de la région capitale  !

Un seul objectif  : réduire la dépense publique

Ce projet de loi poursuit un tout autre but, celui de consacrer le renforcement des structures intercommunales et l’émergence de nouvelles entités, les métropoles, au détriment des collectivités locales de la République  : communes, départements et régions. Le but est clair  : réduire la dépense publique en reconcentrant l’action publique pour satisfaire aux critères de convergence européens. Mais, au final, ce sont les services publics locaux, les politiques publiques locales et la qualité de vie des habitants qui sont mis en danger.

En fragilisant les collectivités, le gouvernement crée toutes les conditions pour ralentir encore l’activité. Or, contraindre les collectivités territoriales à réduire leur investissement (plus des trois quarts de l’investissement public, pour l’essentiel dans des activités non délocalisables), c’est porter un grave coup à l’activité et à l’emploi.

Un nouveau coup porté à la démocratie locale

Le développement des intercommunalités et l’émergence de métropoles traduisent un nouveau recul de la démocratie de proximité. À l’opposé du principe de décentralisation, qui se fixait comme ambition de rapprocher les lieux de décisions des citoyens, le développement des super-intercommunalités et des métropoles engage un processus radicalement inverse.

Ces structures disposeront en effet de compétences élargies dans des domaines stratégiques  : aménagement, logement, développement économique, développement durable. Elles rayonneront sur des territoires très importants  : plus de 7 millions d’habitants pour la métropole de Paris  ! Et cela, hors de tout contrôle démocratique.

À terme, à l’image de Lyon, les métropoles concentreront, en leur sein, l’essentiel des compétences des départements, des communes, voire de la région. Sur leur territoire, communes et départements auront disparu et, avec eux, le tissu de proximité démocratique que la droite souhaitait depuis longtemps voir se dissoudre. Je regrette qu’aujourd’hui, certains à gauche reprennent cet objectif.

C’est le retour à une nouvelle forme de centralisation, plus celle de l’État, certes, mais celle de nouvelles baronnies, comme au Moyen Âge  !

C’est une visée totalement antidémocratique et profondément rétrograde. Pour ma part, je considère qu’une telle évolution institutionnelle devra faire l’objet d’un référendum.

Les moyens des collectivités locales  : le sujet évacué

Dans les trois projets de lois adoptés en Conseil des ministres le 10 avril, rien n’est proposé pour conforter la situation financière des collectivités locales. C’est, s’agissant des départements et de l’indispensable couverture des compétences relevant de la solidarité nationale, un oubli inacceptable, non conforme aux engagements pris par le président de la République.

Pour toutes ces raisons, ce premier texte sur les métropoles ne me paraît pas acceptable. Je ne vois pas comment des élus de gauche, à l’écoute des difficultés que rencontrent leurs concitoyens, soucieux de défendre les services publics, pourraient le soutenir. Car, aujourd’hui, ce qu’attendent les Français, les habitants de la région capitale, c’est du concret, une politique ambitieuse de défense des services publics, de relance du pouvoir d’achat, des salaires, des pensions, une politique de l’emploi dynamique…

Je ne suis pas hostile à l’émergence d’une coopération à l’échelle métropolitaine, bien au contraire. En Val-de-Marne, nous avons été parmi les premiers à nous investir pour créer le syndicat Paris Métropole afin de contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales, porter ensemble des projets et développer les solidarités à l’échelle de l’aire urbaine. La dynamique est engagée. Pourquoi, aujourd’hui, vouloir la rompre et créer de toutes pièces, de manière autoritaire, une nouvelle collectivité, et imposer la mise en place de structures intercommunales de plus de 300 000 habitants  ?

Et, s’agissant de décentralisation, ce n’est pas d’un Meccano institutionnel dont nous avons besoin. Les collectivités locales ne sont pas des jouets, elles constituent depuis les lois de 1982 des acteurs essentiels des politiques publiques et de la démocratie de proximité. Elles constituent bien souvent le dernier et seul rempart contre l’exclusion. À ce titre, elles méritent respect, attention et confirmation de leurs libertés constitutionnelles. Tout ce qui, justement, fait défaut aux projets gouvernementaux.

Christian Favier

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