8 octobre 2013

La grogne grandit avec la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires

«Infinançable, injuste, inefficace. » Jean-Michel Fourgous (UMP) n’y va pas de mainmorte pour disqualifier la réforme des rythmes scolaires. Le maire d’Elancourt (26 800 hab., Yvelines) estime le coût de la réforme à environ trois points d’impôt de plus pour les communes.
De concert avec le chef de l’opposition, Jean-François Copé, il a lancé une pétition qui dépasserait les 15 000 signatures de citoyens et d’élus. Tous deux exigent le report de la réforme.
Candidate à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), de son côté, a mis en place un cahier de doléances sur internet. Emmené par Jean-Claude Gaudin, son président, le groupe UMP au Sénat demande la création d’une mission d’information sur les rythmes scolaires. C’est le branle-bas de combat à droite : sus aux rythmes scolaires !
« Bien-être en otage »-  Surfant sur le mécontentement de certains parents, l’hostilité de nombreux enseignants et les demandes répétées de pérennisation du financement de la réforme portées par l’Association des maires de France (AMF) ou l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’UMP vient de lancer la campagne pour les élections municipales.
« C’est une surenchère politique sur le dos de nos enfants. Nous sommes bien entrés en campagnes électorales. Les syndicats visent les élections professionnelles et l’UMP, les municipales de 2014. Mais cette réforme est appelée par l’ensemble de la communauté éducative depuis 1980, on n’a pas le droit de prendre le bien-être de nos enfants en otage de cette manière ! », tonne Paul Raoult, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).
« Attention, il y a aussi du plaisir, des endroits où cela se passe bien », nuance Cédric Szabo, directeur de l’AMRF. Jean-François Cauche, qui anime un atelier d’initiation ludique à Roubaix (94 700 hab., Nord), reste optimiste : « C’est un important dispositif. On essuie les plâtres mais, quatre semaines après la rentrée, les enfants se passionnent. »
« Reste que les communes rurales rencontrent de vraies difficultés de recrutement d’encadrants et de financement. La réforme pèse plus dans nos budgets qu’ailleurs. Nous avons demandé au ministre que cesse la pression des académies afin que les élus leur remettent l’emploi du temps de la rentrée 2014. Nous avons besoin de temps et d’accompagnements spécifiques, tant financiers que techniques, pour élaborer des projets éducatifs de territoire de qualité », reprend Cédrie Szabo.

Tensions locales - Ceux qui portent les activités périscolaires supplémentaires pointent la pléthore de difficultés d’organisation. Certaines collectivités, telle Quimper (63 600 hab., Finistère), en butte à des grèves de leur personnel municipal, se sont très vite mobilisées pour y remédier : « Nous avons allégé les contenus et donné le choix aux enfants entre les activités et un temps libre. Nous avons recruté plus de personnel, augmenté le temps de préparation des ateliers et accéléré le plan de formation. Et nous étudions, école par école, quels sont les problèmes pour leur trouver une solution », explique Denise Cariou, maire adjointe, chargée de l’enfance et des affaires scolaires, à Quimper.
Cependant, le personnel était encore en grève le 1er octobre, avec une exigence de taille : revoir l’organisation des temps et placer les temps d’activité périscolaire (TAP) le midi.

Un dossier à haut risque - Nombre de démarches achoppent sur les choix horaires. Dans une commune de l’Ariège, les TAP ont lieu à 15 heures et la journée de cours est retardée de quinze minutes.
« Ces choix émanent des enseignants, qui veulent rentrer tôt. Mais, la chronobiologie nous révèle qu’ils sont contraires aux intérêts de l’enfant. Certains d’entre eux doivent attendre cinq heures avant de déjeuner, les enseignants réveillent les plus petits, ce qui les fatigue. Nous sommes déçus, car l’application de la réforme a oublié les enfants », résume une encadrante, qui préfère garder l’anonymat.
Coordinatrice enfance-jeunesse à Amailloux (860 hab., Deux-Sèvres), Marianne Albert conclut : « L’idée que, nous, les animateurs, puissions avoir une place dans l’éducation des enfants me plaisait bien. Mais on doit se caler sur le projet d’école. Avec l’impression de jouer les bouche-trous de l’Education nationale : les heures de cours ont baissé, mais pas les heures de présence des enfants à l’école. » Il faudra pourtant attendre un an pour régler ce problème, en renégociant le projet éducatif.

Entre-temps, afin d’apaiser les tensions locales, « des formations communes au personnel de l’Education nationale et des collectivités sont prévues. Les élus et services municipaux peuvent déjà saisir l’académie, car nous avons conventionné avec les fédérations d’éducation populaire pour lancer des formations continues sur le même sujet », souligne Jean-Paul Delahaye, directeur général des affaires scolaires du ministère de l’Education nationale [3]. En attendant, rendez-vous est pris avec Jean-Marc Ayrault, le 9 octobre, pour l’AMF, qui demande notamment une remise à plat du financement.

« Une situation qui empêche les enseignants de travailler »

Jérôme Lambert, secrétaire départemental du Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles de Paris
« La rentrée scolaire a été complètement percutée par le périscolaire. Au bout de trois semaines, déjà la tête sous l’eau, les collègues sont dépassés par la situation. Ils sont dans une situation d’empêchement de travailler et courent après le temps. A Paris, nous avons relevé trois types de problèmes. Premièrement, une ambiance générale de tensions entre enseignants, animateurs et parents. Ensuite, viennent, un mois après la rentrée, des complications de repères spatio-temporels des enfants – surtout en maternelle – du fait du rythme irrégulier de la semaine et du grand nombre d’intervenants dans une même journée. Enfin, des problèmes d’hygiène et de sécurité. Au-delà du matériel, c’est structurellement que la réforme pose problème : on ne sait plus ce que l’on demande à l’école, aux activités périscolaires et extrascolaires. »

« Mettre en place un projet global du temps passé à l’école »

Valérie Marty, présidente nationale de la PEEP, fédération des parents d’élèves de l’enseignement public 
« Souvent, les parents ne savent pas en quoi consistent les activités proposées au-delà de leur intitulé. Les enfants ne connaissent pas les intervenants et ne comprennent pas ce qui se passe, surtout en maternelle. Ils perdent leurs repères, car les journées sont asymétriques et les adultes se multiplient autour d’eux. Ils sont fatigués. Des solutions vont, sans doute, apparaître, telles que créer des “zones tampons” entre la classe et les activités périscolaires, mettre en place des référents, pour faire le lien entre parents et intervenants. La réforme pose la question de ce que l’école veut apporter. Nous souhaiterions la mise en œuvre d’un projet global du temps passé à l’école, une plus grande cohérence entre les temps scolaires et périscolaires. On pourrait aussi revenir à l’avant-réforme Darcos, où chaque commune s’organisait selon ses ressources. »

« Le temps scolaire a un impact sur le temps périscolaire »

Patrice Weisheimer, secrétaire général du Syndicat de l’éducation populaire – Unsa 
« Dans la majorité des cas, la rentrée s’est mal passée pour les animateurs, souvent parce que les enseignants ne jouent pas le jeu. Parfois, par exemple, les récréations ont été supprimées : les petits sont épuisés et les grands, surexcités. Le temps scolaire a un impact sur le temps périscolaire. Certes, dans certaines écoles, les animateurs ne sont pas formés et il faut entendre les doléances des enseignants. Mais il y a aussi des communes où cela s’est bien passé, car les acteurs travaillent ensemble depuis décembre et que la posture des enseignants est intéressante. Nous avons besoin de formations communes, de temps d’échange communs. C’est une réforme structurelle, un projet de société, qui va prendre du temps à s’installer. Les difficultés logistiques ne remettent pas en cause sa validité. »
CHIFFRES CLES

  • 68 %
    des répondants au questionnaire de la PEEP sur la rentrée (6 479 répondants) estiment que la réforme des rythmes ne permettra pas aux enfants de mieux réussir à l’école.
  • 45 % jugent ne pas être suffisamment informés sur les activités proposées 
  • 48 % se révèlent incapables de jauger leur apport pédagogique.

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