21 mai 2014

Smart city ?

cet article de la Gazette cite Que choisir : "Réduire sa consommation de gaz passe en effet par la baisse du thermostat de chauffage, un geste simple" … en dehors du fait que cela concerne une petite part de logements équipés d'une chaudière individuelle, comment ignorer que la dépense de chauffage est surtout liée à la mauvaise conception de l'isolation des bâtiments. Oui, avec une chaudière individuelle je peux choisir de chauffer ou pas mon logement hlm - mais est-ce que ça n'entraîne pas un désintérêt encore plus grand du bailleur sur l'isolation puisque ce n'est plus lui qui fait la dépense ?…

La ville intelligente promet des retombées économiques, grâce à une gestion plus efficiente de la dépense énergétique, de ses RH ou encore une politique d’ouverture des données censés favoriser le développement d’un écosystème.
La Gazette le 20/05/2014 • Par Sabine Blanc • dans le dossier Smart city : les clés de la ville intelligente
Les avantages économiques de la smart city sont souvent mis en avant, encore faut-il savoir de quelle smart city l’on parle.
À ce premier paramètre s’en ajoute un second : le peu de recul sur des expérimentations et pratiques qui n’ont que quelques années, voire sont en cours de déploiement. C’est donc avec prudence qu’il faut examiner la question du retour sur investissement (1)  pour les villes, d’un strict point de vue économique.

Gros morceau de la smart city, les smarts grids ou réseaux intelligents, consistent à optimiser la consommation d’énergie en l’ajustant à l’aide de données envoyées par des capteurs. Par exemple, des micro-coupures d’électricité lors des pics de consommation soulageraient la facture sans affecter le confort.
Cette technologie est encore en expérimentation, comme l’avait expliqué à La Gazette Guillaume Parisot, chef du service innovation de Bouygues Immobilier, qui travaille sur un projet pilote à Issy-les-Moulineaux : « personne n’a encore répondu à la question du modèle économique des smart grids, c’est le but du projet d’y répondre. L’échelle du quartier implique différents usages et types d’énergies, on manque de données à ce sujet. La ville, l’énergie et le numérique sont trois compétences à marier qu’aucun acteur ne possède ensemble ».

Basse ou haute, aucune hypothèse n’a été bâtie, « personne n’est capable de modéliser ». L’enjeu pour les gros opérateurs est de trouver un modèle qui puisse être dupliqué et adapté, ce qui baisserait les coûts d’entrée. Car pour l’heure, cela reste un investissement réservé aux grandes villes.

Limites du technosolutionnisme - La phase d’essai de Linky, le compteur « communicant » d’ErDF qui sera généralisé d’ici 2020, a laissé des doutes. « Si « techniquement, le projet pilote est valide », rapportait Le Monde, il n’a eu que « très peu d’effets » sur la consommation des ménages, estime Jean-Luc Dupont, président du Syndicat intercommunal d’énergie d’Indre-et-Loire. Selon une étude réalisée auprès de 150 collectivités du département et de quelque 1 500 foyers, « pour 90 % des consommateurs, l’arrivée de Linky n’a rien modifié dans leurs pratiques. » » On touche là à une des limites du techno-solutionnisme, la croyance que la technique seule est la solution aux problèmes, en laissant de côté des paramètres comme l’humain.
De façon générale, ce techno-solutionnisme sous-tend nombre de démarches smart cities, en laissant parfois de côté le bon sens. Avons-nous besoin d’un nouveau compteur pour chauffer à 18 degrés au lieu de 21 degrés ? Pour faire baisser la pollution en ville, est-il nécessaire d’investir dans des capteurs qui aident à se garer plus vite ou encore développer un service qui prédit les embouteillages et calcule le mode de transport le plus rapide ? A-t-on besoin de cela pour renforcer les mobilités douces comme le vélo, l’e-administration ou le télétravail… deux autres cordes à l’arc de la smart city ?
Gazpar, l’équivalent pour le gaz de Linky, est en phase de test, en attendant sa généralisation de 2016 à 2022, soit 11 millions de boitiers. Le nouveau système n’a pas suscité de critiques a priori sur son intérêt économique. UFC-Que choisir expliquait ainsi que « financièrement, son coût – 1 milliard d’euros – est assurément plus maîtrisé que celui de Linky. Et cela ne doit rien au hasard. Le gaz étant une énergie choisie, les clients peuvent s’en détourner si les coûts explosent, tandis que pour l’électricité, tous les ménages sont des clients captifs d’ERDF ; il n’y a aucune alternative. Les enjeux d’optimisation des coûts ne sont pas les mêmes.
Cela dit, le coût de Gazpar sera répercuté sur l’abonné, mais cette fois en toute transparence sur la facture, à raison de 2 à 3 euros par an. En échange, les abonnés ne seront plus facturés sur des consommations estimées mais sur leurs consommations réelles, que Gazpar transmettra automatiquement. Et pour inciter à la maîtrise de la consommation, Gazpar offrira un relevé quotidien des consommations sur Internet.
En revanche, Gazpar ne permet pas, pas plus que Linky, de visualiser ses consommations en temps réel ; il ne possède pas non plus d’afficheur déporté. Mais en réalité, si ce manque constitue un défaut rédhibitoire pour Linky, la lecture en direct n’est pas aussi indispensable pour le gaz. Réduire sa consommation de gaz passe en effet par la baisse du thermostat de chauffage, un geste simple, alors que la consommation d’électricité provient de nombreux usages qu’il est nécessaire d’identifier si on veut les réduire. »
GrDF insiste aussi sur le volet accompagnement, conçu « en concertation : la pose de compteurs seule ne fait pas d’économies. Nous nous appuyons sur les différentes parties prenantes, fournisseurs, collectivités locales, bailleurs HLM, associations de consommateurs…, pour conseiller les usagers, en particulier ceux qui ne savent pas analyser les données », explique Isabelle Drochon , pilote opérationnelle du projet.
Gaz : « optimiser nos abonnements » - Le Havre, collectivité test, est plutôt satisfaite du dispositif. GrDF Suez, va en installer « 100 000 en 2015-2016 au Havre, explique Mickaël Foirest, chef du service Energie à la direction des bâtiments. Nous allons signer une convention de mise à disposition des bâtiments pour déposer des répartiteurs qui transfèreront les données entre le compteur et le logiciel. Nous disposerons de données fiables, site par site, chaque semaine, ce qui nous permettra de faciliter le traitement des factures. Actuellement, beaucoup sont faites sur estimation, avec des avoirs, des rappels. Et nous paierons juste ce que l’on consomme. De plus, en connaissant notre consommation maximale, nous pourrons optimiser nos abonnements, même si cela génère des économies à la marge, c’est moins intéressant que pour l’électricité. » GrDF table, en hypothèse « prudente », sur un gain de 1,5% sur la consommation totale.
Dans la même veine, les capteurs permettent d’ajuster l’éclairage en fonction de la présence de personnes ou de véhicules. En bon smart village, la minuscule Aubinges et ses quelque 300 habitants teste ce dispositif. Il a fallu mettre des LED « qu’ils auraient de toute façon installées », explique Aymar de Germay, président du syndicat départemental d’énergie (SDE) qui finance ce test, car les ampoules traditionnelles ne s’allument pas rapidement, et elles consomment en outre moins. L’équipement seul a coûté 15000 euros. Le retour sur investissement n’a pas été modélisé, mais « il devrait être amorti d’ici deux à trois ans », estime Aymar de Germay. Il précise que « d’autres communes sont demandeuses, on devrait le proposer d’ici l’été. » L’entreprise locale qui conçoit le dispositif est aussi sollicitée par des communes de toute la France.
Hackaton, à fonds perdus ? - La ville intelligente entend faciliter la vie de ses habitants grâce à de nouveaux services proposés via les smartphones. Ils s’appuient entre autres sur les données publiques mises à disposition. Ces dernières années, on a vu se multiplier les hackatons, des sessions intenses de prototypage. En apparence une bonne opération financière : les prix s’élèvent à quelques milliers d’euros, alors qu’un développeur peut facturer jusqu’à 1000 euros la journée de travail. Mais les résultats sont décevants : très peu d’applications passent le cap du prototypage et rendent un réel service.
Faute de rentabilité économique, leur développement ne va pas jusqu’au bout, comme nous avions pu le constater dans le domaine du tourisme. La tentation de réinventer la roue se paye aussi monnaie sonnante trébuchante. Sascha Haselmayer, co-fondateur du living lab Global, estime que ces doublons engendrent plusieurs millions d’euros de gaspillage chaque année pour les villes, dans son ouvrage Your 256 Billion Euro Dividend. Il a du coup crééCityMart, une plate-forme qui met en relation villes et fournisseurs de solutions.
Comme le souligne le chercheur Anthony Townsend, il s’agit de trouver un juste équilibre entre standardisation et adaptation à la spécificité de chaque ville. L’idée qu’il faille d’abord penser service puis données nécessaires à sa réalisation, qu’elles soient publiques et/ou privées fait aussi son chemin.
Développement local et argument marketing - La smart city est aussi envisagée comme un vecteur de développement économique local, en permettant à des start ups d’émerger. La smart city, explique ainsi l’Institut de l’entreprise, un think tank libéral qui compte à sa tête des dirigeants des gros opérateurs concernés par le marché, c’est aussi la ville qui cajole les entreprises et développe des partenariats publics-privés profitant en théorie aux deux partis. Le Grand Lyon insiste ainsi surtout sur le volet développement économique de sa démarche. Dans ce sens, la smart city est envisagée aussi comme un argument marketing pour attirer des populations à forte valeur ajoutée potentielle. Le ROI de la smart city doit aussi prendre en compte cette externalité. Aucune étude ne semble avoir analysé cet impact de façon globale, et l’exercice donnera du fil à retordre. On peut toutefois évoquer le cas de Songdo, nouveau quartier d’affaires en Corée du Sud et emblème d’une certain conception de la smart city, tout en verticalité automatisée, qui n’a pas réussi à remplir ses bureaux.
L’institut de l’entreprise insiste aussi beaucoup sur la possibilité de réduire le coût de fonctionnement des collectivités en développant l’e-administration : « les démarches intelligentes participent de l’efficience des services administratifs car elles entraînent leur transformation. Les TIC permettent ainsi de faire baisser les coûts de certains services publics tout en conservant un niveau de qualité inchangé, et parfois supérieur en accroissant leur personnalisation (e-administration, guichet unique, accessibilité universelle). La numérisation de nombre de services entraîne aussi leur rationalisation et la disparition de doublons. Selon le plan présentant la stratégie britannique de services publics en ligne, le même service opéré via une technologie numérique coûte cinquante fois moins cher que le service en face à face, trente fois moins cher que par échange postal et vingt fois moins cher que par échange téléphonique. »
Les limites sont aussi posées : « Mais la seule automatisation des processus ne permet pas de gains importants en efficacité. Ce n’est qu’en transformant, dans le sens de la standardisation, et en automatisant les processus existants qu’on quitte la première vague des sites Internet, qui font une large part au contenu informatif. »
E-administration : moins de papier, moins de personnel - Une note d’analyse du Centre d’analyse stratégique de 2013 va dans ce sens, soulignant d’une part les bénéfices : « Les TIC ont aussi été mises en œuvre pour limiter la dépense publique. Publier des informations en ligne sur les services et prestations doit par exemple permettre de réduire les dépenses d’impression ou les coûts engendrés par les services téléphoniques. Avec la télétransmission de formulaires pré-remplis, les coûts de saisie et de vérification des informations diminuent. Le perfectionnement des systèmes d’exploitation internes permet aussi de mieux gérer l’ouverture des droits, les paiements, de limiter les erreurs et les fraudes ou encore de traiter plus rapidement les dossiers. »
Mais aussi de recenser les freins : « Ces économies potentielles se révèlent toutefois difficiles à évaluer. Les réformes sont souvent longues à mettre en œuvre et peuvent avoir un coût initial important. Par ailleurs, les services électroniques viennent souvent compléter les services existants, plutôt que s’y substituer : ainsi la prise de contact virtuelle ne supprime-t-elle pas complètement la nécessité d’un accueil au guichet. Les réformes doivent donc être pensées sur le long terme, comme un investissement. À l’étranger, des estimations d’économies réalisées par des projets ambitieux, comme Service Canada, sont toutefois intéressantes. Pour l’année 2006-2007, on estime ainsi que ce guichet unique a permis d’économiser 424 millions de dollars canadiens (environ 335 millions d’euros) ».
L’e-administration, comme une bonne partie des outils étiquetés smart city, sont très gourmands en données, stockées entre autres dans le cloud. Cela pose la question de leur résilience, alors qu’ils sont amenés à prendre de plus en plus d’importance. En cas de coupure, gare à la facture. Une étude de l’International working group on cloud computing resiliency évalue à la louche le prix des coupures dans le nuage, entre 2007 et mi 2012, à 70 millions de dollars. Le déploiement de systèmes mal conçus du point de vue de la sécurité peut aussi occasionner des dépenses imprévues : s’ils ne peuvent être « patchés », c’est-à-dire corrigés, il faut les remplacer.

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