25 février 2014

Grand Paris : les trois défis de la mission de préfiguration

L’instance chargée de créer la métropole du Grand Paris devra dissiper de nombreuses incertitudes. Trois chantiers lui sont d'ores et déjà dévolus : la gouvernance, les finances, et les transferts de personnels.
«Préparer les conditions juridiques et budgétaires » de la création, au 1er janvier 2016, de la métropole du Grand Paris (MGP) : le rôle attribué par la loi « Maptam » du 27 janvier 2014 (1) à la mission de préfiguration n’est pas mince.
Celle-ci devra notamment fixer les modalités d’exercice des compétences au lendemain de la fusion des intercos de la petite couronne d’Ile-de-France au sein d’une super-structure englobant également Paris. En jeu, aussi, la définition de l’intérêt métropolitain. Autant de missions qui visent à déterminer la ligne de partage entre la métropole, ses subdivisions d’au moins 300 000 habitants appelées « territoires » et les communes.

1 – Gouvernance : renforcer un consensus fragile

La mission est présidée par le représentant de l’Etat dans la région et par le président du syndicat mixte d’études Paris métropole. Elle comprend un collège d’élus.
Cependant, les représentants des collectivités réunies au sein du syndicat mixte redoutent d’être marginalisés dans cette mission qui, selon plusieurs sources concordantes, sera dirigée par un haut fonctionnaire, François Lucas.
Contrairement à leur vœu, la mission ne comprend pas qu’un seul directeur général adjoint, issu de la fonction publique territoriale, mais également deux autres, venus de la ville de Paris et de l’Etat. « Il faut craindre que le très fragile consensus dégagé le 7 février au sein de Paris métropole ne vole en éclats », met en garde Philippe Laurent, premier vice-président (UDI) du syndicat mixte.
Dans un communiqué publié le 19 février, le président de Paris métropole, Daniel Guiraud (PS), rappelle « l’exigence de transparence, de coproduction et de parité entre l’Etat et les élus dans le cadre de la préfiguration ».

 2 – Finances : détailler ce qui reste une ébauche

L’article 12 de la loi du 27 janvier, consacré aux finances de la MGP, établissement public de coopération intercommunal à fiscalité professionnelle unique, ne fournit qu’une ébauche. Volontairement, sans doute, car entrer dans les détails équivaut à jouer avec des allumettes dans une poudrière.
Selon une note, restée confidentielle, des experts du syndicat mixte, l’harmonisation des taux de cotisation foncière des entreprises sur le territoire de la MGP aboutirait, par exemple, à une hausse de 35 % pour les contribuables parisiens…
Le taux moyen pondéré de la CFE du bloc communal augmenterait de 11 % dans les Hauts-de-Seine, tandis qu’il baisserait de 36 % en Seine-Saint-Denis et de 24 % dans le Val-de-Marne.
Mêmes interrogations sur la part départementale de la taxe d’habitation. Marylise Lebranchu a confirmé, à l’Assemblée nationale, que cette part serait transférée à la MGP, mais la ministre de la Décentralisation a qualifié de « scénario de totale fiction » l’idée d’une harmonisation de l’ex – taux départemental de TH, tout en précisant que ce débat sera tranché ultérieurement.
Si elle devait être transférée à la MGP, cette ressource constituerait un renforcement sensible des moyens d’origine fiscale de la métropole (qui s’élèveraient alors à 4 milliards) et de la solidarité entre les territoires. En effet, le taux moyen pondéré serait de 5,11 %, en cas d’harmonisation au niveau métropolitain ; il y aurait une baisse du taux de TH sur l’ensemble de la petite couronne mais une progression de 2,5 points sur Paris.
Des précisions doivent également être apportées sur les flux infracommunautaires. L’article 12 indique que « le montant total des dépenses et des recettes de chaque conseil de territoire est inscrit dans le budget de la MGP ». Autrement dit, si ces conseils sont, pour l’heure, dépourvus de la personnalité juridique, ils ne disposent pas davantage de personnalité financière…
Les relations financières entre la MGP et ses communes membres devront, pour leur part, être définies dans un pacte financier et fiscal adopté dans les six mois suivant la création de la MGP. Celui-ci comprendra trois dotations : une attribution de garantie de ressources, une dotation de péréquation, librement fixée, et une attribution de coopération, finançant les compétences attribuées par la métropole aux communes.
« Contrairement à ce qui est rapidement avancé, la péréquation ne dépend pas de la simple mutualisation de la ressource fiscale au niveau métropolitain, mais de la façon dont la MGP redistribuera la potentielle croissance de ses recettes fiscales », souligne Mélanie Lamant, DGA chargée des finances de Plaine commune (9 communes, 408 000 hab.).

3 – Agents : rassurer sur les transferts

La mission de préfiguration doit aussi démêler un écheveau important : le devenir des agents transférés à la MGP, qui peuvent en outre être repris par les communes dans un délai de deux ans suivant la création de la métropole. Seuls trois alinéas de la loi traitent des quelque 7 000 à 10 000 agents territoriaux concernés.
Les inquiétudes sont grandes quant à leur sort et à l’évolution de leurs missions. « Plaine commune a, par exemple, développé un réseau de lecture publique performant. Ces équipes de professionnels auront a priori du mal à trouver leur place dans la MGP. En outre, les communes ne les récupéreront pas forcément : certains ont été recrutés directement par la communauté d’agglomération », souligne Daniel Mougin, secrétaire général de l’interco-CFDT de la Seine-Saint-Denis.
« Rien n’oblige les maires à reprendre les agents. Certains se prononcent déjà dans ce sens », confirme Patrice Girot, président de l’union régionale Ile-de-France du Syndicat national des DG des collectivités territoriales. Pour Jésus de Carlos, responsable d’un collectif CGT sur la MGP, « ces agents connaîtront des mobilités géographiques forcées à moyen ou long terme ».
Une journée d’échanges est prévue le 6 mars au centre interdépartemental de gestion de la petite couronne. « Il s’agit de limiter au maximum les incidents de carrière. Mais, objectivement, il y en aura », souligne encore Patrice Girot. Le rapport de la mission de préfiguration relatif à l’effet de la création de la MGP « sur l’organisation et les conditions de travail, la rémunération et les droits acquis pour les agents » est attendu pour le 31 juillet 2015.

La fin des départements ?

Architecte, à l’Assemblée nationale, de la métropole du Grand Paris, le député Alexis Bachelay (PS, Hauts-de-Seine) en est persuadé : la suppression des conseils généraux de la petite couronne, évoquée par Jean-Marc Ayrault en janvier 2014, figure toujours sur la feuille de route gouvernementale.
« Ce sera un peu court pour l’inscrire dans la prochaine loi de décentralisation, car cela nécessite des mesures complexes. Mais, comme il s’y est engagé lors du débat sur la loi du 27 janvier, le gouvernement rendra d’ici à la fin de l’année un rapport au Parlement sur les modalités et le calendrier de la fusion des départements », rappelle le député.

Philippe Yvin confirmé à la SGP

Le 19 février 2014, Philippe Yvin a été officiellement nommé à la place d’Etienne Guyot président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), chargé du futur super-métro de la région-capitale. La désignation de cet ex-collaborateur de Claude Bartolone (auquel on prête des ambitions pour la présidence de la métropole du Grand Paris) avait suscité les plus vives réserves de Paris métropole…

 « Les collectivités territoriales restent le bras armé de l’Etat »

Emmanuel Bellanger, historien
« En Ile-de-France, les élus ont une longue tradition de coopération. C’est là qu’est née l’intercommunalité urbaine, avec les premiers grands syndicats sectoriels. Bien sûr, les identités communales restent extrêmement enracinées, incarnées par la figure sympathique du maire. Mais la ville de Paris, elle-même, a longtemps eu une tradition de coopération avec ses quatre-vingts voisines.
En se tournant de nouveau vers ses banlieues à partir de 2001, la municipalité Delanoë a accompli une évolution importante. En créant la métropole du Grand Paris, le gouvernement renoue avec le volontarisme et une ambition métropolitaine. Mais l’Etat a encore besoin de son bras armé : les collectivités territoriales. Dans la loi du 27 janvier, il pose un cadre, tout en laissant des marges de manœuvre aux élus. L’Etat, c’est une constante, n’a jamais pu se passer des collectivités. »
Note 01:
Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles - Retourner au texte

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