10 juin 2013

ACTE III DE LA DÉCENTRALISATION

Fonds européens, pôles ruraux d’aménagement : derniers ajouts au texte de décentralisation adopté par le Sénat
Le Sénat a adopté jeudi 6 juin 2013 le premier projet de loi de décentralisation du gouvernement Ayrault, centré sur la création de métropoles, qu'il a largement marqué de son empreinte. Il a notamment introduit à la fin du texte le transfert aux régions de la gestion des fonds européens, ainsi que la possibilité de créer des pôles ruraux d’aménagement et de coopération.
Le texte a été adopté par 182 voix pour, 38 contre et 125 abstentions. Le PS, le RDSE (à majorité PRG) et une partie des UMP et de l’UDI ont voté en sa faveur, les communistes contre et les écologistes et une majorité d’UMP se sont abstenus.
Après cette première lecture du texte au Sénat, le projet de loi de “modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles” rétablit la clause de compétence générale pour toutes les collectivités. Sa suppression votée sous Nicolas Sarkozy, sauf pour les communes, était prévue au 1erjanvier 2015. Le Sénat a en même temps affirmé dans un nouvel article de la loi le rôle pivot de la commune : elle “occupe une place fondamentale dans l’architecture locale de notre République. Elle est le pivot de l’organisation et du dialogue territorial, située au plus près des besoins des populations, et un premier échelon de la vie démocratique. Aussi l’intercommunalité doit être un outil de coopération et de développement au service des communes, dans le respect du principe de subsidiarité.”
La Haute assemblée a aussi profondément modifié la gouvernance prévue initialement. L’Association des petites villes de France (APVF) “se réjouit” des modifications sur la composition des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) qui donnent une place plus précise aux élus des petites villes. Néanmoins, elle déplore la suppression du pacte de gouvernance territorial et forme le vœu que les CTAP soient une instance “réellement constructive de dialogue et de contractualisation”.
Chefs de filat multiples - Le projet de loi désigne aussi des collectivités comme chefs de file pour certaines compétences. La région est consacrée pour l’aménagement et le développement durable, le développement économique, l’innovation et la complémentarité entre les modes de transport. Par l’adoption d’amendements du groupe Ecologiste, la région devient chef de file pour la biodiversité, la transition énergétique et l’agenda 21 sur le développement durable. Le gouvernement a fait ajouter l’internationalisation des entreprises.
Pour l’Association des régions de France ( ARF), dans un communiqué du vendredi 7 juin, “il reste du chemin à parcourir pour faire de cette réforme un véritable acte de décentralisation, condition indispensable du retour de la croissance dans notre pays”. L’ARF déplore “l’absence de clarification des compétences. Le corollaire du rétablissement de la clause de compétence générale doit être la désignation d’un chef de file qui puisse identifier les priorités dans les compétences partagées entre collectivités. C’est un gage indispensable pour l’efficacité de l’action publique sur les territoires.”
L’association pointe notamment du doigt “l’émiettement de la compétence” sur le développement économique.
Les départements seront chefs de file pour l’action sociale et la cohésion sociale, l’autonomie des personnes, l’aménagement numérique et la solidarité des territoires. Pour l’ARF, la rédaction actuelle pour la compétence “aménagement numérique” “ne permettra pas de répondre aux enjeux posés tant sur le développement des réseaux que de l’usage”. Elle prône “la coopération entre régions et départements”.
La commune ou les intercommunalités seront de leur côté chefs de file pour l’accès aux services publics de proximité, le développement local et l’aménagement de l’espace. Les sénateurs ont décidé, par une série d’amendements identiques, que la compétence tourisme doit demeurer une compétence partagée entre les communes, les départements et les régions.
Paris en berne - Principal camouflet pour le gouvernement, les sénateurs ont supprimé tout le volet consacré à la création d’une métropole parisienne. Ils ont adopté des amendements de suppression des articles traitant de l’organisation de Paris et de l’Ile-de-France, présentés par les groupes UMP et CRC. Les sénateurs ont supprimé par 161 voix contre 156 l’article 10 du texte qui prévoyait l’obligation pour les départements de la petite couronne de constituer des intercommunalités couvrant tout leur territoire. Ils ont ensuite supprimé les autres articles prévoyant la création d’une future métropole de Paris constituée de la Ville de Paris, de ces intercommunalités de la petite couronne, plus une partie contigüe de la grande couronne.
Ils ont en revanche instauré un fonds de solidarité pour les départements de la région d’Ile-de-France, dont le montant et les conditions de prélèvement et de répartition sont définis par les lois de finances.
Et réduit à sa plus simple expression le mécanisme permettant aux collectivités d’organiser les compétences entre elles à la carte.
Métropoles version Sénat - Ils ont par ailleurs validé la création d’ici au 1er janvier 2015 de la métropole de Lyon – au lieu du 1er avril 2015 initialement –, mais aussi, ce qui s’annonçait difficile, celle de la métropole d’Aix-Marseille-Provence au 1er janvier 2016.
Ils sont convenus d’attribuer le statut de métropole (hors Paris, Lyon, Marseille) aux villes ou intercommunalités de 400 000 habitants situées dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, alors que le gouvernement prévoyait une aire urbaine de 500 000 habitants. Ce statut, qui renforce leur rôle, pourra concerner Bordeaux, Rouen, Toulouse, Lille, Strasbourg, Nantes, Grenoble et Rennes.
Montpellier, qui dans un premier temps avait été inclus dans cette liste, n’en fait pas partie.
Transfert des fonds européens - Toujours dans leur volonté d’améliorer le texte initial du gouvernement, les parlementaires de la Haute assemblée ont introduit dans le texte une disposition prévue initialement dans le deuxième projet de loi de décentralisation. Il s’agit de confier la gestion des fonds structurels européens aux conseils régionaux et d’ouvrir la possibilité de déléguer aux départements tout ou partie des actions relevant du Fonds social européen.
Les sénateurs ont par ailleurs introduit la possibilité de créer des pôles ruraux d’aménagement et de coopération, à la suite d’un amendement de Jean-Jacques Filleul (PS) et de Raymond Vall (RDSE). Les territoires qui le souhaitent pourront bénéficier “d’un outil de développement et d’aménagement destiné à la fois à permettre la poursuite des démarches engagées, notamment par les pays, et à amplifier les dynamiques territoriales existantes”.
Pôles ruraux d’aménagement et de coopération - Ce dispositif ouvre la possibilité pour plusieurs EPCI à fiscalité propre “d’élaborer et de conduire, ensemble, un projet d’aménagement et de développement de leur territoire”. La contractualisation nationale, régionale et départementale sera également facilitée, de même que le recours aux fonds européens. Et le pôle pourra “s’appuyer sur la solidarité des territoires, par exemple en matière d’ingénierie”.
Dispositions “statut” - Enfin, au sein de la dernière partie du texte, consacrée aux dispositions relatives au transfert et à la mise à disposition des agents de l’État, les sénateurs ont ajouté deux dispositions. D’une part, les organisations syndicales représentatives des personnels seront “consultées sur les modifications de l’organisation des services résultant des transferts ou des mises à disposition”.
D’autre part, les agents communaux conserveront, “s’ils y ont intérêt, les avantages dont ils bénéficiaient au sein de leur collectivité d’origine dans le domaine de l’action sociale et de la protection sociale, complémentaire santé et prévoyance”.
“Très beau résultat” - Les sénateurs ont oeuvré pendant une semaine à trouver un consensus, afin que l’Assemblée nationale étudie un texte issu de leurs travaux. Si le texte avait été rejeté, les députés auraient dû reprendre le projet de loi d’origine du gouvernement.
“C’est un très beau résultat d’une première lecture”, a déclaré à l’AFP, en marge du débat, la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu. “Les sénateurs ont été précis, attentifs et courageux”, a-t-elle jugé.
“Le Sénat a profondément fait évoluer le texte du gouvernement pour réaffirmer le rôle essentiel des maires, renforcer la coopération entre les collectivités et créer des métropoles”, a souligné son président Jean-Pierre Bel (PS). Il a souhaité que la poursuite de la discussion permette de dégager un accord sur la création de la métropole de Paris.
“Alors que l’on disait que le texte du gouvernement, mal ficelé, allait être rejeté, le Sénat a beaucoup travaillé et l’a simplifié en rendant de la liberté aux élus”, a estimé le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur (PS).
“Cela a bien marché”, a sobrement commenté Jean-Claude Gaudin, chef de file des sénateurs UMP et maire de Marseille. Les sénateurs ont en effet voté la création de la future métropole Aix-Marseille-Provence qu’il défend, malgré la vive opposition de 109 maires sur 119 toutes tendances politiques confondues.
La controverse a été désamorcée par l’adoption d’un amendement de M. Gaudin prévoyant une représentation de tous les maires dans le futur conseil métropolitain, soit un total de 238 élus métropolitains.
Encore au milieu du gué - Les écologistes, traditionnellement régionalistes, se sont abstenus, alors qu’avant le débat, ils reprochaient au texte entre autres d’être “totalement décousu”. “Notre priorité était le renforcement du couple régions-intercommunalité”, a relevé Ronan Dantec (EELV). “On va dans le bon sens, mais on est encore au milieu du gué”, a-t-il regretté.
Pour Jean-Jacques Hyest (UMP), le projet de métropole d’Ile-de-France que le gouvernement avait proposé “était certainement la plus mauvaise solution”. Son groupe dans sa grande majorité s’est abstenu, mais, à titre personnel, il a voté pour, considérant que “les métropoles de Lyon et Marseille sont des exemples”.
Michel Mercier (UDI-UC), également président du conseil général du Rhône, qui a porté le projet de métropole lyonnaise avec le sénateur-maire de la ville, Gérard Collomb (PS), a voté aussi le texte, comme une grande partie de son groupe.
Le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) a voté contre. “Nous nous félicitons des modifications apportées par le rapporteur René Vandierendonck (PS), en particulier sur la conférence territoriale”, a dit sa présidente Eliane Assassi. Mais elle a regretté que “l’on n’ait pas pris en compte l’avis des 109 maires des Bouches-du-Rhône” opposés à la métropole dans leur département.
A l’Assemblée à partir du 15 juillet - Le groupe RDSE (à majorité PRG) a voté “globalement” le texte, selon son président Jacques Mézard.
Le texte devrait maintenant être examiné par les députés à partir du 15 juillet.

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