Jila Varoquier | 08 Avril 2015 le Parisien
Où seront construits les 70 000 logements annuels voulus par l'Etat dans la région ? Les fiches de travail que s'est procurées «le Parisien » évoquent plus d'une trentaine de sites à l'étude pour accélérer le processus.
Les « ateliers du Grand Paris de l'aménagement et du logement » qui doivent débuter mi-avril promettent d'être animés. Ils présenteront aux élus franciliens les sites actuellement retenus par un comité technique* pour accueillir de grandes opérations immobilières, accompagner l'arrivée des gares du Grand Paris dès 2020, et pallier en partie la crise du logement que connaît l'Ile-de-France.
La loi du Grand Paris de 2010 vise en effet la création de 70 000 logements chaque année -- contre seulement 45 000 construits en moyenne actuellement --, pendant 25 ans, afin de rééquilibrer l'emploi et l'habitat social et privé dans la région Ile-de-France.
Les « documents de travail » dont « le Parisien » a pris connaissance listent donc 33 sites prioritaires dans tous les départements franciliens, hors Paris. Pour chacun, une fiche détaille le potentiel de logements estimé -- soit un total de 192 500 sur 1,5 million visé sur 25 ans --, la densité possible et les objectifs de livraison.
Au terme des ateliers, quinze d'entre eux seront définitivement retenus en plus de ceux déjà annoncés par Manuel Valls à l'automne dernier qui seront traités en priorité et qui concernent les territoires du canal de l'Ourcq (Seine-Saint-Denis), la cité Descartes à Marne-la-Vallée (Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne), les secteurs de Villejuif Grand Parc (Val-de-Marne), de Louvres-Puiseux (Val-d'Oise) et de Gennevilliers (Hauts-de-Seine).
S'affranchir de l'autorisation des maires
« Il n'y a eu aucune étude de faisabilité, ni aucune validation, insiste-t-on au ministère du Logement. Tout sera discuté dans les ateliers d'urbanisme. Si on s'aperçoit que pour des raisons diverses, il s'agissait d'une fausse bonne idée, certains secteurs seront abandonnés ».
Les projets retenus pourraient voir le jour sous la forme d'une Opération d'intérêt national (OIN) : un cadre juridique qui permet de s'affranchir par exemple de l'autorisation des maires, et de débloquer ou d'accélérer des situations complexes. De quoi inquiéter les élus concernés.
*Le comité est composé notamment de l'Agence foncière et technique de la région parisienne, de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France, de la Fédération des entreprises publiques locales, de l'Atelier parisien d'urbanisme, de l'Atelier international du Grand Paris, de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, de la Mission de préfiguration métropole du Grand Paris, ainsi que des services de l'Etat et de la région Ile-de-France.
S'affranchir de l'autorisation des maires
« Il n'y a eu aucune étude de faisabilité, ni aucune validation, insiste-t-on au ministère du Logement. Tout sera discuté dans les ateliers d'urbanisme. Si on s'aperçoit que pour des raisons diverses, il s'agissait d'une fausse bonne idée, certains secteurs seront abandonnés ».
Les projets retenus pourraient voir le jour sous la forme d'une Opération d'intérêt national (OIN) : un cadre juridique qui permet de s'affranchir par exemple de l'autorisation des maires, et de débloquer ou d'accélérer des situations complexes. De quoi inquiéter les élus concernés.
*Le comité est composé notamment de l'Agence foncière et technique de la région parisienne, de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France, de la Fédération des entreprises publiques locales, de l'Atelier parisien d'urbanisme, de l'Atelier international du Grand Paris, de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, de la Mission de préfiguration métropole du Grand Paris, ainsi que des services de l'Etat et de la région Ile-de-France.
« Il existe du foncier disponible partout »
Valérie Mancret-Taylor, directrice de l'institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France
Répondre aux besoins futurs de logements et renouveler le parc immobillier francilien afin d'accompagner le mouvement de migration vers les grandes métropoles, tels sont les objectifs du Grand Paris. Un projet qui va profondément transformer la région estime la directrice de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) d'Ile-de-France qui rappelle qu'il existe beaucoup de foncier disponible en petite et grande couronne.
A quoi correspond le nombre de 70 000 logements par an ?
VALÉRIE MANCRET-TAYLOR. On estime qu'en 2030, la population francilienne atteindra 13 millions d'habitants, soit un million de plus qu'aujourd'hui. Les besoins en logements seront de 53 000 nouvelles constructions par an, auxquelles s'ajoutent 17 000 unités pour compenser les destructions de logements qui ne sont plus adaptés dans le parc ancien. Par ailleurs, un taux de vacance de l'ordre de 5 % est utile pour conserver une certaine fluidité, et permettre les mobilités résidentielles.
VALÉRIE MANCRET-TAYLOR. On estime qu'en 2030, la population francilienne atteindra 13 millions d'habitants, soit un million de plus qu'aujourd'hui. Les besoins en logements seront de 53 000 nouvelles constructions par an, auxquelles s'ajoutent 17 000 unités pour compenser les destructions de logements qui ne sont plus adaptés dans le parc ancien. Par ailleurs, un taux de vacance de l'ordre de 5 % est utile pour conserver une certaine fluidité, et permettre les mobilités résidentielles.
La région est-elle capable d'en absorber autant ?Contrairement aux idées reçues, 75 % des 12 000 km2 du territoire régional sont occupés par des forêts et des espaces agricoles. Il existe du foncier disponible partout, y compris en petite couronne, en transformant des sites industriels ou des dépôts RATP, par exemple. Certains présentent la RATP comme le futur promoteur francilien ! En grande couronne, de nouvelles extensions maîtrisées de l'urbanisme sont possibles également.
La région ne va-t-elle pas être profondément transformée ?Si, bien sûr. Comme on le constate déjà pour certaines villes, comme Montreuil, Montrouge, Les Lilas ou Bourg-la-Reine, qui ont changé de physionomie, y compris dans les zones pavillonnaires. Les mobilités seront différentes, et cela fera également évoluer les équilibres habitat-emploi.
Jusqu'où l'Ile-de-France pourra croître ?C'est la question que se posent tous les urbanistes. On peut simplement constater que partout dans le monde, il y a un mouvement très fort de migration vers les villes et les grandes régions métropolitaines. Certaines atteignent 20 millions d'habitants, voire plus. Peut-être qu'à un moment, les populations auront envie de vivre autrement. Mais personne ne peut dire aujourd'hui comment.
15 000 signatures pour préserver l'hippodrome de Saint-Cloud
Parmi les Opérations d'intérêt national (OIN) dévoilées, la première à avoir créé une polémique dans les Hauts-de-Seine est celle prévue sur l'hippodrome de Saint-Cloud. L'État programmerait d'y construire 6 000 logements sur 70 ha. Un projet évidemment décrié par le maire UMP de Saint-Cloud Eric Berdoati, soutenu dans son combat par les élus UMP des villes voisines : Patrick Ollier député-maire de Rueil-Malmaison, Jacques Gautier sénateur-maire de Garches et Christian Dupuy, maire de Suresnes.
Alliés à France Galop, propriétaire du site, les élus ont lancé une pétition qui a déjà recueilli près de 15 000 signatures. « Les habitants se sentent très concernés, explique Eric Berdoati. C'est à la fois l'identité de la commune et son poumon vert qui sont menacés ». Le maire et Bertrand Bélinguier, président de France Galop, attendent toujours des plus amples explications sur ce choix de Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité.
Car pour eux, le site de l'hippodrome devrait être intouchable puisque classé depuis 1998. En outre, plan local d'urbanisme (PLU) de la ville de Saint-Cloud devrait également protéger le site. « C'est le cas contre les promoteurs privés, mais pas lorsque l'État décide seul sans la moindre concertation », déplore le maire de Saint-Cloud. Qui envisage un grand rassemblement avec les habitants sur les pelouses de l'hippodrome pour montrer l'ampleur de la mobilisation.
Car pour eux, le site de l'hippodrome devrait être intouchable puisque classé depuis 1998. En outre, plan local d'urbanisme (PLU) de la ville de Saint-Cloud devrait également protéger le site. « C'est le cas contre les promoteurs privés, mais pas lorsque l'État décide seul sans la moindre concertation », déplore le maire de Saint-Cloud. Qui envisage un grand rassemblement avec les habitants sur les pelouses de l'hippodrome pour montrer l'ampleur de la mobilisation.
« Tout cela n'a aucune cohérence ! »
Un potentiel de 8 250 logements à cheval entre Clamart, Fontenay et Bagneux, Malakoff et Cachan (Val-de-Marne)... Dans le sud du département, les projets de construction du gouvernement font frissonner les élus locaux.
La fiche du plan de mobilisation pour le logement élaboré par le comité d'experts prévoit notamment de cibler des sites comme le secteur EDF de Clamart ou encore le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Fontenay-aux-Roses. Le tout dans une zone qui ressemble à un « chapeau mexicain », comme le nomme ironiquement Jean-Didier Berger, maire (UMP) de Clamart : « Tout cela n'a aucune cohérence ! »
La coûteuse mise en place des infrastructures
Les commentaires de son voisin (DVD) Laurent Vastel, maire de Fontenay-aux-Roses, sont dans le même esprit : « L'Opération d'intérêt national est une arme atomique ! Les élus locaux ne peuvent pas la contrer. Mais s'il n'a pas l'intention de s'en servir, pourquoi l'Etat en parle-t-il ? » interroge le nouveau conseiller départemental. Il estime également que les maires n'auront pas les moyens financiers d'accompagner ces constructions : « Créer des logements implique aussi de mettre en place les infrastructures nécessaires : écoles, gymnase, routes, etc. Et c'est aux collectivités de payer cela ». Alors qu'en parallèle, « l'Etat réduit très largement les dotations des villes ». Et l'élu de s'alarmer : « Nous allons reproduire les constructions industrielles des années 1950. C'est regrettable ».
« Nous sommes d'accord pour construire, reprend le maire de Clamart. Nous avons des projets qui ont été démocratiquement validés, déjà discutés avec la population. Si l'Etat veut nous accompagner, très bien. Mais qu'il n'y mette pas la main, au risque de rallonger considérablement les délais. Qu'il se concentre sur des territoires où les projets sont bloqués ».
La coûteuse mise en place des infrastructures
Les commentaires de son voisin (DVD) Laurent Vastel, maire de Fontenay-aux-Roses, sont dans le même esprit : « L'Opération d'intérêt national est une arme atomique ! Les élus locaux ne peuvent pas la contrer. Mais s'il n'a pas l'intention de s'en servir, pourquoi l'Etat en parle-t-il ? » interroge le nouveau conseiller départemental. Il estime également que les maires n'auront pas les moyens financiers d'accompagner ces constructions : « Créer des logements implique aussi de mettre en place les infrastructures nécessaires : écoles, gymnase, routes, etc. Et c'est aux collectivités de payer cela ». Alors qu'en parallèle, « l'Etat réduit très largement les dotations des villes ». Et l'élu de s'alarmer : « Nous allons reproduire les constructions industrielles des années 1950. C'est regrettable ».
« Nous sommes d'accord pour construire, reprend le maire de Clamart. Nous avons des projets qui ont été démocratiquement validés, déjà discutés avec la population. Si l'Etat veut nous accompagner, très bien. Mais qu'il n'y mette pas la main, au risque de rallonger considérablement les délais. Qu'il se concentre sur des territoires où les projets sont bloqués ».
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