29 juin 2014

« La réforme de la politique de la ville doit aller vite » – Najat Vallaud-Belkacem

Géographie prioritaire, contrats de ville, rénovation urbaine, participation citoyenne... Dans un entretien accordé à « La Gazette », la ministre des Droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, Najat Vallaud-Belkacem, détaille les enjeux de la réforme de la politique de la ville et appelle les collectivités territoriales à se mobiliser. La Gazette  le 26/06/2014 • Mis à jour le 27/06/2014 • Par Hervé Jouanneau, Hugo Soutra • 

Vous avez dévoilé, le 17 juin, la carte de la nouvelle géographie prioritaire faisant passer de 2 500 à 1 300 le nombre de quartiers qui bénéficieront du financement de la politique de la ville. Les associations d’élus ont globalement exprimé leur satisfaction mais se disent vigilantes. Que leur répondez-vous ?

Les parlementaires et les élus locaux ont compris la nécessité de rendre la politique de la ville plus lisible et plus juste. Pour élaborer cette nouvelle géographie prioritaire, nous nous sommes appuyés sur un seul critère : le revenu des habitants. Ce critère nous a non seulement permis d’identifier les territoires les plus en difficulté mais également d’en faire apparaître d’autres qui connaissent une pauvreté invisible. C’est la raison pour laquelle, aux côtés des grands ensembles propres des grandes agglomérations, la carte recense des villes moyennes, des centres anciens et des communes périurbaines. Et colle ainsi au plus près des réalités.
Mais le chantier n’est pas clos. Dès maintenant et jusqu’en septembre, les élus locaux et les préfets sont appelés à définir les contours précis des 1 300 quartiers prioritaires de métropole. Car seuls les élus, qui connaissent le terrain, sont en mesure de préciser le « quartier vécu » par les habitants et d’y inclure, par exemple, les établissements scolaires ou équipements sociaux fréquentés. Pour les outre-mer, nous appliquerons une méthodologie prenant en compte les spécificités de chaque territoire ce qui nous conduira, là encore, à soutenir ceux où les habitants disposent des revenus les plus faibles.

En s’appuyant sur un critère unique de revenu, la politique de la ville n’est-elle pas réduite à une politique de lutte contre la pauvreté ?

Si l’on considère que la politique de la ville consiste en des moyens renforcés, dirigés vers des territoires en difficulté où les revenus sont très bas et le taux de chômage très élevé, alors, oui, cette action publique vise à lutter contre la pauvreté et le sentiment d’abandon. Mais, à mes yeux, elle est surtout une politique dynamique. Quand une commune entre dans la géographie prioritaire, elle a vocation à en sortir. C’est d’ailleurs pour cette raison que la carte sera remise à plat tous les six ans.

De quels moyens spécifiques bénéficieront les 1 300 territoires cibles de la politique de la ville ?

La réforme de la politique de la ville issue de la loi de programmation portée par François Lamy est conduite à moyens constants. C’est donc une réforme de redistribution vers les territoires les plus fragiles et non une réduction du format. Les 350 millions d’euros de crédits d’intervention de mon ministère seront préservés l’année prochaine comme cette année, de même que les 100 millions d’euros de la dotation de développement urbain et les 1,8 milliard d’euros de la dotation de solidarité urbaine.

Sur le terrain, quelle doit être la priorité des professionnels ?

La priorité est le développement économique. Il faut désenclaver les quartiers avec des lignes de transport, en réintroduisant des commerces, en soutenant les entrepreneurs. Pour ce faire, le pilotage de la politique de la ville à l’échelle intercommunale est essentiel. C’est à ce niveau que les pouvoirs publics peuvent créer de la fluidité, de la mobilité et de la mixité sociale.

Près de 300 communes sortent de la géographie prioritaire et ne bénéficieront plus du financement de la politique de la ville. Que prévoyez-vous pour ces villes dont certaines connaissent des situations sociales tendues ?

Parmi les communes sortantes, il y a, tout d’abord, celles qui n’auraient jamais dû y entrer car leurs situations économique et sociale ne le justifient pas. Une deuxième catégorie de communes réunit celles qui ont connu une véritable amélioration grâce à la mobilisation de l’Etat et des collectivités. Il faut s’en féliciter puisque, encore une fois, l’objectif de la politique de la ville est d’en sortir. Enfin, il y a ces territoires qui, bien que mieux lotis que les 1 300 quartiers prioritaires, nécessitent une vigilance particulière. Ceux-là seront placés en « veille active » et bénéficieront d’un contrat de ville avec la mobilisation renforcée des moyens de droit commun apportés par les signataires des contrats (Etat, collectivités locales et services publics).

Quel est l’avenir des actions mises en place dans ces collectivités au titre de la politique de la ville ?

Je serai attentive à ce qu’un certain nombre de dispositifs qui ont fait leur preuve, comme les programmes de réussite éducative, soient pérennisés dans les territoires de veille active. J’ai, d’ores et déjà, donné des instructions en ce sens aux préfets.

Les ministères joueront-ils le jeu de la mobilisation en faveur des quartiers ?

La mobilisation du droit commun est la mère de toutes les batailles. Côté Etat, l’implication des ministères et des services déconcentrés commence à porter ses fruits. Prenez l’exemple de l’Education nationale qui consacre aux quartiers prioritaires 40 % des moyens mis sur la préscolarisation des enfants de moins de 3 ans ou celui des emplois d’avenir ciblés à près de 20 % sur les jeunes des quartiers, c’est deux fois plus que sur les autres contrats aidés, en 2011. Un effort important est également déployé concernant les places de crèches.
Par ailleurs, aux côtés de l’Etat et des collectivités, les nouveaux contrats de ville associent désormais la caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, les chambres consulaires, les bailleurs sociaux et même, je l’espère, des grandes entreprises. Le but est que chacun s’engage dans les quartiers prioritaires.

Ces nouveaux contrats de ville doivent être signés d’ici au 31 décembre 2014. Le délai est extrêmement court pour les professionnels en charge de décliner la réforme sur le terrain. Comptez-vous revoir ces échéances serrées ?

Non. Je sais que les délais sont courts mais je veux que la réforme soit mise en œuvre rapidement. La signature des contrats de ville est la matérialisation de notre soutien à ces quartiers. Il est donc très important d’aller vite pour que la vie des habitants change. Je précise que certains territoires ont déjà préfiguré les nouveaux contrats de ville et vont servir de modèle. Nous organisons également des échanges entre anciens et nouveaux élus.

Quels moyens seront dévolus au nouveau PNRU ?

Le nouveau Programme national de rénovation urbaine (PNRU) bénéficiera de 5 milliards d’euros de subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine durant les dix ans à venir, qui serviront de levier pour 20 milliards de travaux publics. Dans le même temps, nous assumons, depuis 2012, le paiement de plus de la moitié du PNRU 1. C’est un effort exceptionnel pour les quartiers et pleinement justifié. Car la rénovation urbaine est aussi un grand projet d’activité économique avec 300 000 emplois à la clé.
De plus, j’ai décidé que 80 % des 5 milliards du nouveau programme seront concentrés sur les 200 quartiers, que je présenterai en septembre, connaissant les plus lourds dysfonctionnements urbains, tandis que les 20 % restants, soit un milliard, seront destinés à soutenir des projets d’intérêt local dans d’autres territoires, parmi les 1 300 quartiers prioritaires qui expriment des besoins de renouvellement urbain.

Une autre priorité de la réforme est la participation citoyenne. Jusqu’où êtes-vous prête à aller ?

Je suis très attachée à la mise en place de canaux d’expression pour les citoyens, qui doivent être associés à la mise en œuvre des actions locales. La réforme prévoit la création de conseils de citoyens qui réuniront des associations, des volontaires ainsi que des habitants tirés au sort. Ils seront composés d’autant d’hommes que de femmes.
J’ai, en outre, souhaité mettre à disposition, dès 2014, une bourse d’expérimentation de 600 000 euros afin de soutenir des projets de participation citoyenne significatifs, qu’il s’agisse d’initiatives culturelles, sportives ou liées à l’éducation populaire.
Ces conseils doivent aussi servir de sas vers la citoyenneté car je pense qu’à partir du moment où les habitants prennent conscience de leur pouvoir d’agir au niveau local, ils en prennent également conscience au niveau national. A mon sens, c’est une réponse à l’abstention, à l’indifférence démocratique et au sentiment de relégation.
FOCUS

Faire émerger des « territoires d’excellence »

C’est une volonté personnelle de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, ajoutée récemment à la réforme de la politique de la ville : l’instauration d’une « clause du territoire le plus favorisé ».
« Je souhaite que, grâce aux contrats de ville, l’on puisse transposer dans les quartiers prioritaires les atouts des quartiers les plus favorisés pour en faire des territoires d’excellence », a-t-elle expliqué à « La Gazette », relayant une annonce faite le 17 juin dernier lors des journées d’échanges de la rénovation urbaine. Une excellence qui pourra passer par « la performance énergétique des bâtiments, la connectivité, la qualité des services publics ou l’apprentissage d’une langue rare au sein d’un établissement scolaire ». Objectif : « Faire de ces quartiers défavorisés des territoires suffisamment attractifs pour y faciliter la mixité sociale. »

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