29 juin 2014

Les collectivités territoriales, catalyseurs attendus de l’économie circulaire

Mardi 17 juin, se tenaient les premières Assises de l’économie circulaire, organisées par l’institut éponyme et l’Ademe. Comme pour les ménages, la crise a poussé les collectivités territoriales les plus touchées à entreprendre des démarches d’écologie industrielle et territoriale, susceptibles d’inspirer les futures stratégies régionales d’économie circulaires. Un guide du CATEI est paru à cette occasion.
La Gazette 20/06/2014 • Mis à jour le 24/06/2014 • Par Hélène Huteau •
L’économie circulaire est en marche. Si elle est poussive dans sa mise en œuvre, la démonstration de son utilité n’est plus à faire. Paradoxalement, la crise a relégué au second plan la protection de l’environnement dans l’opinion, mais la pénurie économique pousse les ménages à adopter des modes de consommation collaboratifs, de réutilisation, de long terme… Qui réduisent leur empreinte environnementale.
En 2012, plus de 50% des Français déclaraient souhaiter consommer mieux, voire moins, selon l’Obosco, observatoire des consommations émergentes.
Approche résiliente - C’est aussi parce qu’il a touché le fond plus tôt que le territoire du Nord-Pas-de-Calais est aujourd’hui un « cluster » d’innovations autour du développement durable, avec notamment, un pôle de compétitivité TEAM (Technologies de l’environnement appliquées aux matières et aux matériaux) rassemblant 30 projets pour 35 millions d’euros.
« Dans notre région, le modèle de la première et deuxième révolution industrielle est mort » témoignait Jean-François Caron, conseiller régional Nord-Pas-de-Calais, aux premières Assises de l’économie circulaire, à Paris, cette semaine. A Loos-en-Gohelle, commune dont il est maire, les terrils et friches industrielles forment les paysages d’une population en grande partie pauvre et désœuvrée. Pourtant, c’est dans cette région que s’expérimente la « troisième révolution industrielle » annoncée par Jérémy Rifkin, sous l’impulsion de la CCI régionale, le conseil régional et le prospectiviste américain lui-même.
Un « master plan » déclinant la vision de l’économiste sur le territoire a été co-produit en 2013, reprenant les cinq piliers de sa théorie (énergies renouvelables, bâtiments producteurs, stockage de l’énergie, réseaux intelligents et mobilité électrique) en y ajoutant trois piliers transversaux : efficacité énergétique, économie de fonctionnalité et économie circulaire. « D’une logique initiale de réparation, nous passons progressivement vers l’émergence de nouveaux secteurs d’activité », rapporte Jean-François Caron.
L’économie circulaire n’est en effet pas qu’une question de déchets, comme pourrait le laisser croire une lecture rapide du projet de loi sur la transition énergétique présenté par la ministre de l’Ecologie cette semaine. S’il n’existe pas encore de définition stabilisée du concept (lire ci-dessous) il s’agit de revoir les modèles économiques et de consommation par le prisme de la sobriété de ressources extraites et des impacts environnementaux générés.
Ecologie industrielle et territoriale - Les collectivités territoriales sont particulièrement attendues sur la partie écologie industrielle et territoriale, qui consiste en la mise en commun volontaire de ressources par des acteurs économiques d’un territoire en vue de les économiser et d’en améliorer la productivité : infrastructures d’équipements (réseaux de chaleur, outils ou espaces de production…) de services (gestion collective des déchets, plans de déplacement inter-entreprises…) de matières (le rebut de production de l’un peut être utilisé comme matière secondaire par un autre…).
Le concept mature lentement depuis une quinzaine d’années au travers d’une petite cinquantaine d’expérimentations territoriales, notamment dans l’Aube, où l’Université de Troyes en a fait sa spécialité scientifique. Mais c’est seulement depuis la dernière conférence environnementale qu’on a vu émerger le sujet dans la politique nationale, avec la création d’un comité d’animation dédié, le CATEI, et l’objectif d’une stratégie nationale de l’écologie industrielle et territoriale (SNEIT) à venir.
« Enjeux démocratiques et politiques » - Mais c’est bien aux niveaux régional et local que se jouent les synergies susceptibles de découpler la croissance économique de la croissance des matières utilisées. Et  du même coup, découpler l’utilisation des matières de l’impact environnemental. Des études du PNUE montrent comment y arriver techniquement, pour différents secteurs.
Cependant, la démarche de l’écologie industrielle et territoriale (EIT) est un tel bouleversement de culture, que « les enjeux auxquels tente de répondre l’EIT sont avant tout démocratiques et politiques » prévient Benoît Duret, conseil en innovation sur la gestion des ressources, fondateur de Mydiane.
Comment partager une chaîne de valeur entre acteurs parfois concurrents, sur la captation de ressources ? Quelles données partager sans dévoiler ses secrets commerciaux, comme sa structure de prix ?
Comment définit-on le coût d’un déchet qui devient ressource ?

« Le territoire peut être l’acteur neutre pour mettre les entreprises, potentiellement concurrentes, dans le jeu du gagnant gagnant. Mais cela demande aux PME, grandes entreprises et territoires de parler le langage de l’autre » observe Bruno Rebelle, consultant, DG de Transitions, et l’un des animateurs du débat national sur la transition énergétique.
Langage et valeurs communes à trouver - Dans la Plaine du Var, c’est l’établissement public d’aménagement Eco-Vallée qui a animé la démarche en mettant en place un réseau de chaleur, en monétisant les flux de déchets et d’énergie  pour les récupérer ou les échanger.
Hormis les gains économiques, le club d’une dizaine d’entreprises est motivé par l’image que la démarche donne au territoire, alors que les industriels peinent à recruter.

Un des leviers fut l’implication des institutions publiques locales. « Nous avons besoin que les collectivités soient catalyseurs sur ces projets », confirme Christophe Bourgues, de Schneider Electric, président du club d’entreprises.
Le cabinet Auxilia recommande de partir des réseaux existants pour évangéliser et faire naître les initiatives. « Certains s’appuient sur les Agenda 21 ou sur le Plan Climat. L’idée est de tendre vers une stratégie qui englobe tous les domaines d’activité »,  résume Caroline Valluis, directrice adjointe d’Auxilia.

Afin d’aider les régions et autres collectivités à mettre en place leur stratégie et établir leur argumentaire, le CATEI vient de mettre en ligne un guide méthodologique sur le site du ministère de l’Ecologie. Il comprend également une galerie d’expériences existantes.
Un autre guide méthodologique est à sortir cet automne, pour la conférence environnementale, suite à une étude Ademe-ARF commandée à Auxilia. Enfin, un tout nouveau guide pour comptabiliser les flux de matières dans les régions et départementsvient d’être mis en ligne également sur le site du ministère.
FOCUS

Eonomie Circulaire, qu’est-ce que c’est ?

Si la définition du concept d’économie circulaire n’est pas arrêtée, ses enjeux sont décrits par l’Ademe et le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement). L’Ademe le définit comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services) vise à augmenter l’efficacité des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement ». Le concept englobe les sept piliers suivants :
  • Approvisionnement durable
  • Eco-conception
  • Ecologie industrielle et territoriale
  • Consommation responsable
  • Allongement de la durée d’usage
  • Recyclage

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