3 juillet 2014

Déchets ménagers : les pistes de l’Ademe pour augmenter le tri et le recyclage d’ici 2030

Quelles sont les orientations souhaitables pour le tri et le recyclage des déchets ménagers en 2030 ? C'est l'objet d’une étude de l'Ademe, qui appelle de profonds changements, avec l'extension des consignes de tri, des centres de tri moins nombreux et davantage automatisés, et un éventuel scénario de tri en deux étapes. Décryptage.
Alors que les collectes séparées multi-matériaux et les centres de tri sont apparus il y a une vingtaine d’années, il s’agit aujourd’hui de répondre à de nouveaux enjeux : augmenter les quantités recyclées,
dans un contexte de maîtrise de l’évolution des coûts. L’Ademe et le Ministère de l’Ecologie ont donc décidé d’engager une « Etude prospective sur la collecte et le tri des déchets d’emballages et de papier dans le service public de gestion des déchets (SPGD) » à l’horizon 2030, pour évaluer leurs évolutions envisageables et identifier les perspectives d’optimisation.
Des orientations non prescriptives - Cette étude, confiée au groupement BIO/Indiggo/Enotiko, s’est organisée en cinq phases de décembre 2012 à mai 2014 : un état des lieux, une identification des facteurs clés d’évolution, un benchmark dans 5 pays européens, une analyse simplifiée avec une vingtaine de scénarios, puis une analyse approfondie et comparative de quelques scénarios pertinents.
Si les résultats ne manquent pas d’intérêt pour les SPGD, il est important de souligner que ces perspectives d’optimisation sont des orientations non prescriptives, puisque d’une part, chaque situation locale a sa spécificité et d’autre part, chaque collectivité garde sa propre liberté d’organisation.
Mais l’objectif est clair : il faudra augmenter le taux de recyclage des emballages et des papiers. Les scénarios retenus l’ont donc été sur un taux qui « passerait de 42 % à près de 65 %. De son côté, le taux du recyclage du verre devrait continuer à progresser de 70 % à 80 % ».
Le tri par l’habitant étendu - Pour cela, le tri à la source par l’habitant « constitue une composante fondamentale […] indispensable pour atteindre l’augmentation recherchée ». Cela passe notamment par une extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages plastiques (ce que demandent les associations comme Amorce et le Cercle national du recyclage) et une amélioration significative du geste de tri – plus facile à dire qu’à faire…Sur ce dernier point, l’étude évoque le levier de la tarification incitative, qui ne fait pas l’unanimité dans les collectivités.
De plus, l’augmentation de 25 % des tonnages collectés à trier devra se faire dans un contexte de stagnation du volume des emballages, via la diminution de leurs poids et un effort de prévention accru, et de baisse des papiers : moins 25 % avec la décroissance des papiers-journaux. L’effort porte donc essentiellement sur les emballages hors verre, avec une augmentation envisagée de 66 %. La part de ceux-ci arrivant aux centres de tri évoluerait dons significativement : de 12 à 26 % pour les emballages et de 56 à 42 % pour les papiers. Il faut toutefois rappeler que pour les collectivités ayant opté pour deux flux collectés séparément, le flux « papiers » n’a pas besoin de passer par le centre de tri !
Interaction tri/industrie - Cette évolution renvoie à une autre problématique, celle de « l’interaction à renforcer entre tri et industrie du recyclage ». C’est une évidence, le tri réalisé dans les centres est une étape essentielle entre la collecte et l’utilisation des matériaux comme ressources par l’industriel. Il faut trouver un compromis entre une qualité minimale en sortie de centre de tri, qui soit adaptée aux besoins des industriels, et une « surqualité » qui entraînerait un coût trop important pour la collectivité. L’étude émet l’hypothèse que « les évolutions attendues […] sont un tri plus poussé […] et une haute qualité des flux triés ».
Il faudra donc être vigilant sur ce point, car ce n’est pas aux collectivités de supporter le coût du recyclage industriel au travers de ce nouvel impératif qualitatif. Au-delà, l’étude estime que les « quantités mises à disposition de l’industrie du recyclage [augmenteraient] d’environ 30 % » entre 2011 et 2030.
Trois scénarios principaux comparés - Sur cette base, l’analyse a d’abord porté sur les caractéristiques d’évolution communes à tous les scénarios, avant de comparer les trois scénarios principaux :
  • une collecte multi-matériaux ;
  • une collecte emballages/papiers en deux flux ;
  • une collecte fibreux (papiers-cartons) / non fibreux (emballages-métaux).
Il est rappelé que le coût de la collecte représente 50 % du coût complet, avec un constat : une augmentation tendancielle de ces coûts. Il reste donc indispensable de poursuivre l’optimisation, avec l’automatisation de la collecte, la réorganisation des tournées, la réduction des fréquences …
L’étude estime que l’apport volontaire gagnera en performance, grâce à la densification des points d’apport, et que sa part devrait passer de « 45 % en 2011 à 51 % en 2030 ». Sur ce point, la tendance actuelle est plutôt inverse, puisque des collectivités l’abandonnent pour le porte-à-porte afin d’augmenter leurs performances (de minimum 15 à 20 %).
Par ailleurs, en comparant les 3 scénarios évoqués plus haut, « l’observation […] montre que le schéma de collecte n’a pas d’impact significatif sur les gestes de tri par l’habitant ». En clair, il n’y a pas d’impact négatif sur le taux de captage lorsqu’on demande à l’habitant de séparer des matériaux supplémentaires. Cela ne s’avère pas une contrainte pour lui.
Concernant les coûts de collecte observés, ceux-ci ne présentent pas non plus de différence significative entre les 3 scénarios : entre 200 €/t et 209 €/t. En revanche, ils sont différents pour le transfert et le tri : 197€/t pour le multi-matériaux, 178 €/t pour l’emballage/papier et 167 €/t pour le fibreux/non fibreux. Le geste supplémentaire du tri demandé à l’habitant est donc bien valorisé.
Le paysage des centres de tri bouleversé - Pour le tri, « une simple adaptation du parc actuel [des centres] risquerait d’aboutir à des solutions d’assez court terme et des conditions d’exploitation non optimisées », affirme l’étude. Puisque la durée de vie du matériel est d’environ 8 ans, il aura été renouvelé d’ici 2030. Il faut donc intégrer « de profondes améliorations technologiques » : tri automatique des différentes sortes de papier – mais est-ce vraiment utile ? -, des emballages plastiques par résine et types de plastiques, des flux plastiques, etc.
L’automatisation plus poussée fera évoluer le métier de trieur du « tri manuel au contrôle manuel », mais cela engendrera une diminution du nombre d’emplois : 3 500 à 5 000 sur les 7 000 actuels ! Si l’on se limite à une analyse des coûts par tonne du tri, c’est une évidence : ils baissent lorsque la taille du centre de tri augmente : 260€/t pour 15 000 t/an et 190€/t pour 60 000 t/an. L’étude conclut donc que « la maîtrise des coûts nécessite une baisse significative du nombre de centres de tri » : de 237 actuellement à 80/150 en 2030. Mais est-ce bien le seul critère à prendre en compte, surtout quand l’étude préconise en conclusion d’ « appliquer le principe de proximité » ?
Une orientation intéressante est toutefois à signaler : pour certains territoires, l’étude propose un tri en deux étapes. Un premier tri simplifié puis « un second tri spécialisé (surtri) réalisé après massification des flux intermédiaires » issus du premier tri. Mais ceci nécessite quand même une transformation des centres existants pour s’adapter aux tonnages entrants, notamment les films plastiques. L’intérêt de ces deux étapes est « d’autant plus important que la capacité du centre de tri est faible ». Cette orientation relativise donc l’option unique et systématique de très gros centres de tri automatisés. Parallèlement, cela nécessiterait de développer de nouveaux centres de tri spécialisés pour le flux fibreux, les plastiques rigides et les non fibreux.
Une réorganisation des collectes et du tri-recyclage - Quant aux conditions de mises en œuvre de ces nouveaux schémas d’organisation à l’échéance 2030, l’étude estime que :
  • l’augmentation des coûts nets pourrait être contenue (entre le niveau actuel et une augmentation de 18 %) ;
  • les centres de tri devront faire l’objet d’investissements importants (entre 1,2 et 1,8 milliards d’euros alors que la valeur neuve des centres actuels n’est que de 1,5 milliards !) car l’utilisation des centres existants « n’est pas envisageable sans au préalable une transformation adaptée du process » ;
  • l’accroissement des zones de chalandise des centres de tri avec une mutualisation entre collectivités (sous forme de SPL par exemple) ;
  • une évolution de l’obligation du niveau de qualité du tri demandé aux SPGD : cette proposition est intéressante car pour les faibles capacités (moins de 15 000 t/an), le tri pourrait être « minimum » alors que pour les plus gros et sur une base volontaire, le tri final pourrait être plus poussé. Cela procurerait une flexibilité de gestion pour les collectivités et permettrait de ne pas faire supporter tout l’investissement supplémentaire à celles-ci. A ce sujet, il est précisé qu’ « une coordination nationale apparaît comme un complément indispensable pour favoriser la cohérence des approches ».
Enfin, si cette étude est une base d’analyse très intéressante, elle devra « faire l’objet de travaux complémentaires et de décisions politiques sur les orientations retenues », soulignent ses auteurs.

La Gazette le 01/07/2014 • Par  Joël Graindorge,Directeur général des services techniques

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