28 mars 2014

A Hénin-Beaumont, les fonctionnaires territoriaux sur le qui-vive

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«Les décisions importantes qui engagent notre ville ne sont plus débattues, ni votées en conseil municipal mais prises directement dans le bureau du directeur général des services » : lors de la campagne, le leader du FN à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Steeve Briois a ciblé le DGS de la ville, Philippe Thibaut.
« Le Front national est allé jusqu’à envoyer un courrier à chaque agent me mettant en cause. Ils ont fait comme si j’étais un homme politique et non pas un fonctionnaire.
Je ne veux pas être confronté à ces personnes. Je pars. Toute l’expertise que nous avions pu mettre en place va disparaître », se désole Philippe Thibault après la victoire de l’équipe Briois au premier tour, le 24 mars.
Mathieu Dujardin, directeur de la cohésion sociale, ne restera pas non plus : « Je ne me vois pas en capacité de porter une politique que je n’approuve pas. Je serai, en revanche, loyal au nouveau maire élu jusqu’à la fin de mon détachement en juillet 2014. Il est important de maintenir le service public ».

Conséquence d’une gestion hasardeuse - Du côté des catégories C, l’angoisse est palpable et l’amertume énorme. « Beaucoup d’agents sont effondrés », constate Philippe Thibaut. « Les cadres dirigeants vont partir et nous on va se coltiner tous les ennuis de la planète », résume René Gobert, secrétaire général de la section CGT des territoriaux d’Hénin-Beaumont.
Le syndicaliste se montre très remonté contre le maire battu, Eugène Binaisse et son DGS. René Gobert rappelle les nombreuses sanctions disciplinaires prises à l’encontre des agents. Celles-ci ont, selon lui, entraîné un vote sanction des territoriaux contre Eugène Binaisse.
« De belles choses ont été faites pour les agents avec l’équipe sortante avec qui nous avons bien travaillé », tempère Franck Mayeux, secrétaire général de Force Ouvrière Hénin FO, le syndicat majoritaire. Pour lui les agents sont aujourd’hui surtout inquiets de l’inconnu qui les attend. « Nous avons respecté monsieur Binaisse. Demain nous respecterons monsieur Briois », jauge-t-il
Les 700 agents ont de quoi être déboussolés. Suite à la gestion hasardeuse de la commune par Gérard Dalongeville (PS) entre 2001 et 2009, la ville a hérité de finances exsangues et d’effectifs pléthoriques composés à 94 % de catégorie C.
« Pendant près de 10 ans, il n’y avait eu ni règlement intérieur ni fiche de poste. Aucun agent n’avait jamais été sanctionné. Nous avons dû recruter des cadres et mettre en place des méthodes plus conforme au service public », explique le DGS. Les agents ont, alors, subi simultanément le plan de rigueur mis en place pour redresser le navire et la suspicion généralisée de la population envers la mairie, mais aussi des agents envers l’équipe de direction et même des agents entre eux.

Un DGS venu d’une mairie PS ? – Dans ses documents de campagne, Steeve Briois promettait de « rétablir un climat apaisé au sein du personnel municipal ». Selon des indiscrétions savamment distillées par le FN, le futur DGS, âgé de 50 ans, occuperait les mêmes fonctions au sein d’une mairie… PS. Trois cadres de catégorie A, dont l’un œuvrant actuellement à la communauté urbaine de Lille Métropole, devraient, toujours selon l’entourage de Steeve Briois, débarquer dans les prochains jours.
« Recruter plus d’encadrement est une bonne idée. La ville a beaucoup souffert du manque de compétences. Reste à trouver les candidats… », analyse Alain Alpern, observateur de la vie politique locale.
« Cet encadrement intermédiaire serait bienvenu, mais la commune n’en a pas les moyens. Trois directeurs généraux adjoints, c’est 150 000 euros de charges de personnel supplémentaire. Ce n’est pas envisageable pour les finances de la commune. Nous avons déjà gratté partout où on pouvait », estime le DGS sortant. Selon lui, la nouvelle équipe, si elle veut tenir cette promesse, « n’aura pas d’autres solutions que de dégrader son épargne. »
Philippe Thibaut se montre très pessimiste : « La où la ville avait besoin des autres pour s’en sortir elle va se retrouver isolée. La situation ne peut que se dégrader, estime le DGS. Les sponsors retirent déjà leur subvention à notre équipe de foot féminin (en D1) ».
Le leader de FO, Franck Mayeux craint que la commune ne soit désormais prise pour cible : « La France ne doit pas brûler Hénin-Beaumont pour faire échouer un parti. Au final ce sont les citoyens et les agents de base qui en pâtiraient »

« Il ne nous appartient pas d’instruire de procès en sorcellerie envers tel ou tel »

Stéphane Pintre, président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT)
Les élus issus du scrutin municipal sont couverts par le sceau de la légitimité républicaine. Il ne nous appartient pas, en tant que dirigeants territoriaux, d’instruire de procès en sorcellerie envers tel ou tel. Si certains de nos membres agissent dans un sens contraire aux valeurs républicaines en cautionnant la censure dans les bibliothèques ou en instaurant la préférence nationale dans l’accès au service public, ils se mettront d’eux-mêmes en dehors du syndicat. Mais aura-t-on affaire dans les mairies FN à des activistes et des théoriciens d’extrême droite comme à Vitrolles entre 1997 et 2002 ? Quoi qu’il en soit, nous serons particulièrement vigilants, eu égard au corpus idéologique du Front national. Nous avons été approchés ces derniers mois par des membres du FN qui souhaitaient faire appel à notre vivier pour pré-recruter des cadres. Nous n’avons pas donné suite. Nous ne sommes pas une agence de recrutement.

Le FN en quête de personnel d’encadrement

Dès le mois de juillet 2013, le FN a lancé un appel « aux fonctionnaires titulaires de catégorie A et B des administrations de territoriales, de l’Etat ou hospitalière. » Message essentiel : « Nous avons besoin de vous » pour occuper des postes dans les futures municipalités conquises. Dans ce document qu’a pu se procurer la Gazette, les candidats sont invités à envoyer leur CV au secrétaire général du Front. Un poste dont le titulaire n’est autre que… Steeve Briois, le nouveau maire d’Hénin-Beaumont.
« Nous entrerons en relation avec vous et nous vous inviterons à participer à une journée d’information au cours de laquelle vous seront exposées notre stratégie et nos projets », précisait le FN. Et le Front National de tracer la ligne à suivre au lendemain des municipales : « Il nous faudra remettre en ordre des administrations pas forcément hostiles, mais perverties et désabusées par des politiciens usés. »

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