11 mars 2014

la dépollution des sites industriels dans la loi Alur

La réhabilitation des friches industrielles est une étape clé pour lutter contre l’étalement urbain. Pourtant, les démarches de dépollution des sols se heurtent à de nombreux obstacles. L’article 173 de la loi Alur va permettre de clarifier de nombreux points.
Par C. Le Gall La Gazette le 10/03/2014

Contrairement à certaines dispositions de la loi Alurl’article 173 a fait peu de bruit. Pourtant, il contient des avancées historiques en matière de dépollution des sites et des sols pour partir à la reconquête des sites industriels laissés à l’abandon.

Flou juridique - La France compte aujourd’hui 260 000 terrains ayant connu une activité industrielle (ce qui représente 9 fois la superficie de Paris) et seuls 5000 d’entre eux font l’objet d’un suivi. Les textes en la matière étaient, jusque-là, peu nombreux et, surtout, pas assez contraignants : « C’est ce qu’on appelle un «  droit mou « . Du coup, les démarches de réhabilitation dépendaient de la bonne volonté de ceux qui avaient pollué » résume Christel de la Hougue, déléguée générale de l’Union des Professionnels de la Dépollution des Sites (UPDS).
Ce flou juridique bloque de nombreuses situations : en trois ans, les contentieux civils ont augmenté de 150 % autour, notamment, de la question de la responsabilité.
Cartographie des sites pollués - Il était donc urgent que la France se dote d’un texte en la matière, d’autant qu’elle est très en retard par rapport à ses voisins comme la Belgique et l’Allemagne.
Première avancée : la loi instaure un droit à l’information. « Il existait auparavant une cartographie des sites pollués (via les bases de données BASOLBASIAS) mais elle n’était utilisée que par les initiés. Le texte crée une obligation pour l’Etat, via les «  secteurs d’information sur les sols « , de répertorier les terrains pollués afin d’informer les élus et la population » précise René Vandierendonck, sénateur du Nord qui a défendu le texte devant les deux chambres. Cette carte pourra faire l’objet d’une annexe adossée au PLU et ses informations auront une valeur juridique.
Attestation d’étude des sols - Deuxièmement, lors du dépôt de leur permis de construire, les maîtres d’ouvrage opérant sur un terrain répertorié comme étant pollué, devront produire une attestation émanant d’un bureau d’études certifié, qui indique qu’une étude des sols a bien été réalisée. Auparavant, cette obligation n’existait pas et la dépollution des sols était laissée au bon vouloir de l’intéressé. Ce qui a eu des conséquences dramatiques : à Amiens, par exemple, lors d’une opération immobilière sur un ancien site industriel, il a fallu détruire vingt maisons car les travaux de dépollution avaient été mal évalués. Coût de l’opération : 20 millions d’euros.
« Ces deux dispositions vont permettre aux collectivités d’avoir une réflexion sur leur territoire qui intègre la reconquête des friches industrielles » insiste Vincent Sol, avocat associé au cabinet Lefèvre Pelletier et Associés, président du groupe de travail sur les sites pollués et membre du Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques (CSPRT).
Débloquer les terrains gelés - Enfin, et surtout, le texte permet aux acquéreurs, en accord avec le propriétaire, de se voir transférer la responsabilité des travaux de dépollution. Avant, le responsable de la pollution devait les réaliser lui-même et de nombreux industriels, ne voulant pas en supporter le coût, préféraient « geler » les terrains plutôt que de les mettre en vente. Cette disposition permet de débloquer ces situations : à présent, l’acquéreur pourra supporter, financièrement et techniquement, cette responsabilité. « Bien sûr, le chiffrage de l’opération prendra en compte ce transfert » précise René Vandierendonck .
Plusieurs verrous ont été prévus pour encadrer la responsabilité de l’acquéreur : tout d’abord, il doit prouver qu’il peut supporter cette charge, tant d’un point de vue économique que technique. Et, en cas de défaillance, l’Etat pourra se retourner contre l’industriel responsable de la pollution selon la logique pollueur/payeur.
Le processus d’adoption de ce texte a été un peu chaotique mais, d’après Vincent Sol, sa teneur a fait l’unanimité au sein des corporations concernées.
Seule limite : les terrains dont les anciens exploitants sont aux abonnés absents ne peuvent faire l’objet ni d’un transfert de responsabilité ni d’une exécution de travaux ordonnés d’office. A ce titre, ils seront considérés comme orphelins et feront l’objet d’un traitement devant être pris en charge par l’Etat avec le concours éventuel des collectivités locales.
Les acteurs attendent maintenant les décrets d’application pour se saisir de cet outil législatif prometteur.
Le service de l’observation et des statistiques du CGDD vient de publier le «Panorama des sites et sols pollués, ou potentiellement pollués nécessitant une action des pouvoirs publics» [PDF].
Il s’agit d’une actualisation de la base de données Basol crée en 1990 et qui comptabilise 4 142 sites et sols pollués (SSP) en 2012. Parmi eux, 21 % sont en cours d’évaluation, 11 % en cours de travaux de dépollution ou de réhabilitation en fonction de leur usage futur, 55 % sont traités avec surveillance ou restriction d’usage, et enfin 8 % sont traités et libres de toute restriction.
Les pollutions ponctuelles sont pour 60% d’entre eux à l’origine d’une pollution des sols et et pour 35 % d’une pollution des eaux souterraines.
Les anciennes régions minières et les régions les plus urbanisées (l’Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes) concentrent 40 % des SSP (soit environ 1 600 sites). Les polluants sont des hydrocarbures à 65 % et des métaux à 25 %. Enfin, environ un quart des sites pollués ou potentiellement pollués recensés dans Basol sont réutilisés.

Aucun commentaire: