30 mars 2014

Municipales, ce qui attend les maires après le second tour

 Dans un contexte inédit de réduction des dépenses publiques, les maires élus vont devoir mettre en place la réforme controversée des rythmes scolaires et convertir leur commune à la rigueur.
La Croix 30/3/14
Des dépenses à réduire 
 « Pendant la campagne, on m’a demandé lequel de mes six mandats avait été le plus difficile. J’ai répondu : le prochain ! » Pour André Laignel, maire PS d’Issoudun depuis 1977, l’anecdote n’est pas qu’une boutade. Selon le président du comité des finances locales, la période qui s’ouvre va être particulièrement difficile pour les équipes municipales élues hier. 
La baisse des dotations budgétaires de 1,5 milliard d’euros cette année et de 1,5 milliard l’année prochaine, annoncée par le gouvernement pourrait être amplifiée, voire prolongée jusqu’en 2017.
Autant dire que les communes vont devoir se serrer la ceinture. « D’autant que nous sommes dans la quasi-impossibilité d’augmenter les impôts,  explique Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux et vice-président de l’Association des maires de France. Les gens ne le supportent plus. Dans ma ville, je n’ai pas augmenté les impôts depuis 2008 et ils n’ont parlé que de ça pendant les élections. »
Évidemment, la situation sera variable selon la situation financière des villes et leur niveau d’endettement. « Les très grandes s’en sortiront, poursuit l’élu. Les plus touchées seront les villes de 30 000 à 50 000 habitants. » Les maires vont sans doute devoir réviser leurs ambitions à la baisse et renoncer à certains projets d’infrastructure. L’ère des grands équipements et des opérations de rénovation urbaine est révolue, reconnaissent la plupart des élus.
 « Dans un premier temps, c’est plus facile de réduire l’investissement que de toucher aux services publics », confirme André Laignel. Sauf, que si la cure d’austérité se prolonge, ce ne sera pas suffisant. Ils n’auront plus alors d’autre choix que de réduire le nombre de places en crèches, de limiter les horaires des piscines ou encore de renoncer à une partie de l’offre culturelle…
 La mise en place des rythmes scolaires 
De l’avis des politologues et des sondeurs, ce dossier – qui depuis plus d’un an suscite, ici et là, de vives résistances de la part d’élus, d’enseignants et de parents d’élèves – n’aura guère pesé sur l’issue du scrutin. Il n’en demeure pas moins, pour de nombreuses municipalités, un chantier de taille semé d’embûches financières et matérielles.
À peine 4 000 communes, scolarisant 22 % des élèves du primaire, avaient choisi de passer à la semaine des quatre jours et demi dès la rentrée dernière. Les autres ont jusqu’en septembre pour en faire autant.
À dire vrai, les équipes sortantes ont, en général, largement balisé le chemin. Si elles n’ont pas toujours arrêté dans le détail la liste des activités périscolaires ni décidé de leur gratuité, la plupart ont déjà au moins prévu la répartition des horaires sur la semaine. Ce qui n’empêchera pas certains maires fraîchement élus d’amender, conformément à leurs promesses de campagne, le dispositif envisagé.
Selon les chiffres livrés début mars par le ministère de l’éducation, « 92 % des villes déclarent avancer sans difficultés » vers les nouveaux rythmes. Environ 3 % des communes rencontrent encore des problèmes dans l’élaboration de leur projet, tandis que 6 % sont « dans une posture d’opposition ». 
 « Qu’on le veuille ou non, l’ensemble des villes et villages devront être passés à la semaine des quatre jours et demi à la rentrée prochaine », tempère Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais (Indre-et-Loire) et président de la commission éducation et culture à l’Association des maires de France. « En réalité, les élus tentés par la “désobéissance civique” peuvent uniquement refuser d’organiser des activités périscolaires. Au risque de susciter un fort mécontentement dans la population », commente-t-il, convaincu que l’échéance électorale passée, tous se mettront au travail dans l’intérêt des élèves.
 La naissance des métropoles 
Pour les maires des plus grandes villes de France, le prochain mandat sera marqué par la naissance des métropoles. Pour la plupart d’entre elles – Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse – cela ne devrait pas changer grand-chose dans un premier temps. Au 1er  janvier 2015, la communauté urbaine existante se transformera automatiquement en métropole, avec quelques compétences renforcées en matière de logement et de transport. Pas de quoi, à première vue, bouleverser la vie des élus qui travaillent depuis longtemps dans le cadre de l’intercommunalité.
 « Tout l’enjeu de cette réforme est que dans un second temps, la métropole fusionne sur son territoire avec le département » décrypte le sociologue Rémy Le Saout, spécialiste de l’intercommunalité. Cette évolution souhaitée par François Hollande va être expérimentée dès l’année prochaine par le Grand Lyon, qui disposera dans ce domaine d’un statut particulier. « C’est une sorte de laboratoire, confirme Nicolas Portier, délégué général de l’Assemblée des communautés de France.Concentrant l’essentiel des ressources et des compétences, il s’agit d’une nouvelle forme de collectivité locale plutôt qu’une intercommunalité classique. » 
 À Paris et à Marseille, qui disposent également d’un statut particulier, il s’agit en plus d’élargir leur périmètre et de fusionner les intercommunalités déjà existantes sur le territoire de la métropole. Le Grand Paris intégrera dès 2016 toutes les communes des trois départements de la première couronne, formant un ensemble de plus de six millions d’habitants. La métropole de Marseille ira, elle, jusqu’à Aix-en-Provence. « Il est même question qu’elle englobe Arles pour couvrir 90 % du territoire des Bouches-du-Rhône », confie un expert. L’opération est délicate dans la mesure où les maires concernés sont parfois hostiles à cette intégration, redoutant d’y perdre leurs pouvoirs.
Par ailleurs, la présidence des conférences métropolitaines va devenir un poste stratégique et devrait donner lieu à des luttes politiques et d’influences intenses. « De manière générale, constate Rémy Le Saout,les métropoles vont renforcer le leadership des élus des communes les plus importantes et notamment de ceux de la ville-centre au détriment des autres. » 
 Des pouvoirs réduits en matière d’urbanisme 
D’ici à trois ans, les maires vont perdre leur pouvoir en matière d’urbanisme. Le Parlement a voté en février une disposition de loi qui prévoit le transfert automatique en matière de plan local d’urbanisme (PLU) – qui décide les zones constructibles – à l’intercommunalité. Sauf en cas d’opposition de 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population. Une minorité de blocage obtenue à l’arraché par les sénateurs.
La mesure n’est en effet pas anodine, comme l’a montré la levée de bouclier déclenchée par les associations d’élus. Le maire ne pourra plus décider seul de ce qui peut être construit dans sa ville. « Toute la politique d’urbanisme sera décidée désormais par les élus communautaires : là où on met des espaces verts, des logements sociaux ou les zones d’entreprises, explique Rémy Le Saout. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela permettra une politique plus équilibrée qui tienne compte des flux de la population. » 
Pour les maires, c’est néanmoins « une perte de pouvoir symbolique », estime Jean-Luc Bœuf, ancien haut fonctionnaire territorial et maître de conférences à Sciences-Po, dans la mesure où « le droit du sol » restait l’une de leurs dernières compétences stratégiques. Ce nouveau transfert confirme en tout cas l’importance prise désormais par les intercommunalités sur les communes, et va contraindre aussi dans ce domaine les maires à négocier avec les autres élus. 
Les conséquences de cette mesure seront toutefois subtiles puisqu’il faudra attendre dans chaque commune le renouvellement du PLU pour en voir les effets. Les maires ont néanmoins obtenu de garder pour l’instant la délivrance des permis de construire, dernière incarnation du pouvoir communal…

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