"Plus que le bac, c'est la mention qu'on nous apprend à viser", s'enthousiasment les élèves du bouillonnant lycée de Goussainville (Val-d'Oise), qui a réussi la gageure de se distinguer par ses bons résultats après avoir fait parler de lui par sa violence.
« Grâce au lycée, nous avons revu nos projets professionnels, nous sommes plus ambitieux », racontent dans un joyeux brouhaha les élèves du très actif conseil de la vie lycéenne, chargé de participer aux décisions et à l’animation du lycée.
Classé parmi les pires catégories – zone d’éducation prioritaire (ZEP) et zone de prévention violence – le lycée général et technologique Romain-Rolland (1 465 élèves) affiche un taux de réussite au bac de 91%.
Dans les indicateurs des lycées publiés vendredi 4 avril par le ministère de l’Education nationale, il se situe huit points au-dessus des performances des établissements jugés comparables (même offre de formation, mêmes origines des élèves).
Dans les indicateurs des lycées publiés vendredi 4 avril par le ministère de l’Education nationale, il se situe huit points au-dessus des performances des établissements jugés comparables (même offre de formation, mêmes origines des élèves).
Fini l’évitement scolaire - Selon son équipe pédagogique, ce sont plusieurs années d’efforts pour transformer l’établissement en « lieu de vie », et non plus en simple lieu de passage obligé, qui sont récompensées. « Sans faire d’angélisme, cela montre qu’on a beau habiter la banlieue, il n’y a pas de fatalité, on peut réussir. C’est un message important pour les élèves et les enseignants », commente Amand Riquier, le nouveau proviseur de ce lycée situé à 30 km au nord de Paris, entre pavillons et barres HLM.
Depuis peu, le lycée, composé d’une majorité d’élèves issus de familles très modestes originaires d’une trentaine de pays, a réussi à faire revenir les bons élèves qui avaient déserté l’établissement à la réputation désastreuse. « C’est très important qu’ils soient là. Même peu nombreux, ce sont des locomotives qui changent la dynamique d’une classe », souligne le proviseur en arpentant les couloirs aux murs de béton brut.
Amélioration sécuritaire et scolaire - Pourtant, il y a encore une dizaine d’années, les téléspectateurs découvraient dans le magazine Zone interdite un lycée sur le point d’imploser, avec une police appelée à la rescousse pour faire régner l’ordre dans la cour et des professeurs à bout de souffle, quand le taux de réussite au bac ne dépassait pas 60%.
« Les élèves fuyaient le lycée dès qu’ils le pouvaient et nous, nous intervenions constamment dans l’urgence », se souvient Carole Baudry, conseillère principale d’éducation (CPE), alors que le lycée était en proie « aux trafics de drogue en tout genre et à la prostitution ».
Contre les clichés - Les premières mesures ont consisté à ramener la sécurité en empêchant les intrusions extérieures, pour « sanctuariser » l’école. « Le lycée est alors devenu un lieu où on avait envie d’apprendre et on a pu enfin développer des projets en rendant les élèves acteurs », explique la CPE, en poste depuis une vingtaine d’années.
Conférences de chercheurs du CNRS, participation aux cours d’une classe d’hypokhâgne dans un établissement voisin, création d’une équipe féminine de rugby: le lycée a multiplié les actions à contre-courant des clichés véhiculés par la cité.
Nouveaux horizons - « Le but est de leur ouvrir de nouveaux horizons et de ne pas leur mettre de barrière afin de lutter contre cette fatalité que certains pourraient ressentir en habitant la banlieue », explique Clément Airaud, professeur de physique.
Des élèves qui sont entrés « dégoûtés » à Romain Rolland s’affirment maintenant « très fiers » de leur établissement, à l’image de Yahya, qui dit avoir repris confiance en lui.
Effectifs réduits - « C’est important de ne pas s’enfermer dans des situations négatives, mais au contraire de leur permettre de s’épanouir, même si certains ont derrière eux des histoires familiales très lourdes », constate Sonia Latik, jeune conseillère d’éducation.
Les enseignants, qui disent s’être serré les coudes pendant les pires années, restent toutefois prudents. « Tout ça est possible car nous avons des classes à effectif réduit et que les élèves sont très encadrés », soulignent-ils, alors que les classes de seconde ne dépassent pas 30 élèves et celles de première et terminale 24 à 26, contre près de 35 habituellement.
AFP
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