Emeline Le Naour | la Gazette | Publié le 17/03/2015
Dans la cité de l’Essonne où a grandi l’auteur de la tuerie de l’Hyper Cacher, la municipalité doit faire face à des polémiques incessantes. Le maire (PCF) Philippe Rio prend la défense de ses administrés en proie à une précarité endémique.
Au pied des barres d’immeubles de la copropriété Grigny 2, des petites parcelles de jardin cultivable s’étendent jusqu’aux berges du lac. Un cadre presque bucolique. Pourtant ici, le revenu fiscal moyen ne dépasse pas 8 800 euros par an. A quelques centaines de mètre de là, à la cité de la Grande Borne, il culmine à 10 400 euros. La moitié des habitants de la commune de l’Essonne, vit en dessous du seuil de pauvreté.
Overdose médiatique
Triste emblème de la banlieue incandescente, la commune porte son image médiatique comme un fardeau. Régulièrement, la ville truste la rubrique « faits divers ».
Clochemerle politique
La situation est d’autant plus tendue que Malek Boutih, député de la (PS) s’en est pris [1] aux « responsables, y compris des élus » qui « pactisent avec le mal, les voyous, les délinquants et la corruption. ». Des accusations que le maire entend bien ne pas laisser passer : « Monsieur Boutih affirme que des enquêtes sont en cours concernant de possibles détournements de fonds publics. C’est complètement faux. Et si, il a des preuves, je lui demande de les donner au procureur de la République. C’est son devoir en tant qu’élu. »
Commissariat fermé
« Bien sûr, il y a de gros problèmes ici, reprend l’éducateur, beaucoup de décrochage scolaire, du trafic de drogue, de la délinquance, ajoute-t-il. Mais Grigny n’a jamais été abandonné ni par les militants associatifs, ni par la mairie. » Pour preuve, il fait volontiers visiter les spacieux locaux du centre social construit en 2009, qui abritent une immense médiathèque, des salles destinées aux différents ateliers et une cafétéria, ponctuant : « Je ne crois pas que ce soit le genre d’équipement qu’on trouve dans un ghetto. »
« Cela fait deux générations que le taux de chômage caracole à 40 %, constate Philippe Rio, le maire (PCF) de la ville. J’ai grandi ici et je peux dire que l’on vit moins bien qu’il y a trente ans. »
La misère sociale, plus présente encore depuis une dizaine d’années, a plongé dans le marasme cette ancienne ville ouvrière devenue l’une des plus pauvres d’Ile-de-France. L’autre handicap de Grigny tient à sa réputation.
Quand Amedy Coulibaly, enfant de la Grande Borne, a perpétré la tuerie de l’hyper cacher, la machine médiatique s’est affolée. Les Grignois ont vu débarquer des wagons de journalistes. Le maire se souvient que deux jours avant les attentats, lors de la cérémonie des diplômés, qui récompense chaque année des jeunes qui ont obtenu un CAP, le baccalauréat ou un master, un seul était présent dans l’assistance. « Pour Coulibaly, ils étaient deux cents », déplore-t-il.
L’overdose médiatique a laissé un goût amer. « C’était indécent, brutal, à la limite du harcèlement, tempête Philippe Rio. Ils étaient à la sortie des écoles, et ont même interrogé des familles lors d’un enterrement. »
Philippe Rio ne décolère pas. Il rappelle volontiers que le député socialiste s’était présenté sur une liste concurrente de la sienne lors des dernières élections municipales : « J’entends bien qu’il ait une arête dans la gorge mais jeter l’opprobre sur ce territoire déjà affaibli, c’est une honte. » Le maire assure d’ailleurs qu’une plainte pour diffamation [2] à l’encontre de Malek Boutih est en cours. De son côté le député socialiste dit suivre le « dossier » de Grigny de près. Selon lui, « la justice trouvera très certainement des liens actifs » entre la municipalité et le milieu délinquant.
À la maison de quartier Marie Curie à la Grande Borne, les déclarations de Malek Boutih ne laissent pas indifférent. L’ancien président d’SOS Racisme reproche en effet à la mairie l’embauche d’éducateurs impliqués dans des trafics de drogue. Amar Henni, l’ancien directeur du service jeunesse de la municipalité mais aussi ex-responsable pédagogique au Centre de Formation Essonne, qui a formé bon nombre d’éducateurs à Grigny, réfute en bloc ces accusations. Il les a tous très bien connus et il est formel, aucun n’a jamais été impliqué dans ce genre d’affaires. « C’est tout simplement impossible » assure-t-il, très ferme.
Face aux critiques, Malek Boutih reste droit dans ses bottes. Il continue de prôner une mise sous tutelle des communes de banlieues difficiles. Et fulmine contre ceux qui l’accusent de stigmatiser des populations : « Il faut regarder les choses en face pour résoudre la crise des banlieues françaises. »
Le maire continue, lui, de dénoncer les politiques d’austérité de ces dernières années, qui ont eu, de « terribles conséquences. » Philippe Rio interpelle :
Pourquoi, ici on laisse de côté la jeunesse désœuvrée ? Pourquoi nous n’avons pas le droit à la même école, à la même justice et à la même police que les autres ?
Si la quasi-totalité du territoire est classée zone prioritaire, le commissariat de la ville a fermé ses portes en 2011, laissant des habitants démunis face à l’insécurité. « Comment ne peut-on ne pas se sentir citoyen de seconde zone dans ces conditions ? interroge Philippe Rio.
Et de conclure : « À Grigny, on ne demande pas la lune, juste l’égalité, la République. »
Dans la cité de l’Essonne où a grandi l’auteur de la tuerie de l’Hyper Cacher, la municipalité doit faire face à des polémiques incessantes. Le maire (PCF) Philippe Rio prend la défense de ses administrés en proie à une précarité endémique.
Au pied des barres d’immeubles de la copropriété Grigny 2, des petites parcelles de jardin cultivable s’étendent jusqu’aux berges du lac. Un cadre presque bucolique. Pourtant ici, le revenu fiscal moyen ne dépasse pas 8 800 euros par an. A quelques centaines de mètre de là, à la cité de la Grande Borne, il culmine à 10 400 euros. La moitié des habitants de la commune de l’Essonne, vit en dessous du seuil de pauvreté.
Overdose médiatique
Triste emblème de la banlieue incandescente, la commune porte son image médiatique comme un fardeau. Régulièrement, la ville truste la rubrique « faits divers ».
Clochemerle politique
La situation est d’autant plus tendue que Malek Boutih, député de la (PS) s’en est pris [1] aux « responsables, y compris des élus » qui « pactisent avec le mal, les voyous, les délinquants et la corruption. ». Des accusations que le maire entend bien ne pas laisser passer : « Monsieur Boutih affirme que des enquêtes sont en cours concernant de possibles détournements de fonds publics. C’est complètement faux. Et si, il a des preuves, je lui demande de les donner au procureur de la République. C’est son devoir en tant qu’élu. »
Commissariat fermé
« Bien sûr, il y a de gros problèmes ici, reprend l’éducateur, beaucoup de décrochage scolaire, du trafic de drogue, de la délinquance, ajoute-t-il. Mais Grigny n’a jamais été abandonné ni par les militants associatifs, ni par la mairie. » Pour preuve, il fait volontiers visiter les spacieux locaux du centre social construit en 2009, qui abritent une immense médiathèque, des salles destinées aux différents ateliers et une cafétéria, ponctuant : « Je ne crois pas que ce soit le genre d’équipement qu’on trouve dans un ghetto. »
« Cela fait deux générations que le taux de chômage caracole à 40 %, constate Philippe Rio, le maire (PCF) de la ville. J’ai grandi ici et je peux dire que l’on vit moins bien qu’il y a trente ans. »
La misère sociale, plus présente encore depuis une dizaine d’années, a plongé dans le marasme cette ancienne ville ouvrière devenue l’une des plus pauvres d’Ile-de-France. L’autre handicap de Grigny tient à sa réputation.
Quand Amedy Coulibaly, enfant de la Grande Borne, a perpétré la tuerie de l’hyper cacher, la machine médiatique s’est affolée. Les Grignois ont vu débarquer des wagons de journalistes. Le maire se souvient que deux jours avant les attentats, lors de la cérémonie des diplômés, qui récompense chaque année des jeunes qui ont obtenu un CAP, le baccalauréat ou un master, un seul était présent dans l’assistance. « Pour Coulibaly, ils étaient deux cents », déplore-t-il.
L’overdose médiatique a laissé un goût amer. « C’était indécent, brutal, à la limite du harcèlement, tempête Philippe Rio. Ils étaient à la sortie des écoles, et ont même interrogé des familles lors d’un enterrement. »
Philippe Rio ne décolère pas. Il rappelle volontiers que le député socialiste s’était présenté sur une liste concurrente de la sienne lors des dernières élections municipales : « J’entends bien qu’il ait une arête dans la gorge mais jeter l’opprobre sur ce territoire déjà affaibli, c’est une honte. » Le maire assure d’ailleurs qu’une plainte pour diffamation [2] à l’encontre de Malek Boutih est en cours. De son côté le député socialiste dit suivre le « dossier » de Grigny de près. Selon lui, « la justice trouvera très certainement des liens actifs » entre la municipalité et le milieu délinquant.
À la maison de quartier Marie Curie à la Grande Borne, les déclarations de Malek Boutih ne laissent pas indifférent. L’ancien président d’SOS Racisme reproche en effet à la mairie l’embauche d’éducateurs impliqués dans des trafics de drogue. Amar Henni, l’ancien directeur du service jeunesse de la municipalité mais aussi ex-responsable pédagogique au Centre de Formation Essonne, qui a formé bon nombre d’éducateurs à Grigny, réfute en bloc ces accusations. Il les a tous très bien connus et il est formel, aucun n’a jamais été impliqué dans ce genre d’affaires. « C’est tout simplement impossible » assure-t-il, très ferme.
Face aux critiques, Malek Boutih reste droit dans ses bottes. Il continue de prôner une mise sous tutelle des communes de banlieues difficiles. Et fulmine contre ceux qui l’accusent de stigmatiser des populations : « Il faut regarder les choses en face pour résoudre la crise des banlieues françaises. »
Le maire continue, lui, de dénoncer les politiques d’austérité de ces dernières années, qui ont eu, de « terribles conséquences. » Philippe Rio interpelle :
Pourquoi, ici on laisse de côté la jeunesse désœuvrée ? Pourquoi nous n’avons pas le droit à la même école, à la même justice et à la même police que les autres ?
Si la quasi-totalité du territoire est classée zone prioritaire, le commissariat de la ville a fermé ses portes en 2011, laissant des habitants démunis face à l’insécurité. « Comment ne peut-on ne pas se sentir citoyen de seconde zone dans ces conditions ? interroge Philippe Rio.
Et de conclure : « À Grigny, on ne demande pas la lune, juste l’égalité, la République. »
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