Vieille pomme de discorde entre les conseils généraux et l’Etat, l’accueil des mineurs isolés étrangers, jusque-là pris en charge par les seuls départements, va faire l’objet d’une réforme attendue. L’accord qui va lier le ministère de la Justice et les départements est en cours de signature.
Selon les termes de l’accord en cours de signature entre l’ADF et le ministère de la Justice, qui sera suivi de la publication d’une circulaire interministérielle, l’Etat prendra financièrement à sa charge les cinq premiers jours d’accompagnement, sur une base de 250 euros par jour.
L’accord prévoit également une répartition des jeunes entre les départements. « Une fois le diagnostic social établi – le jeune est-il bien mineur et isolé ?, selon une nouvelle grille d’évaluation nationale, le département d’accueil saisira le procureur qui dirigera le jeune selon les places libres sur l’ensemble du territoire », détaille Jean-Louis Tourenne.
Premières critiques -
Le principe de répartition géographique instauré par la réforme ne convainc pas le directeur général de l’association France terre d’asile, Pierre Henry, qui l’estime « complexe » et aurait préféré « voir instaurer un fonds de péréquation abondé par l’Etat et les départements qui dédommagerait les départements qui accueillent le plus de MIE».
« En la matière, l’aide financière ne suffit pas. Les départements fortement sollicités n’ont plus de places et cet accueil spécifique nécessite un volume important de travail social », rétorque Jean-Louis Tourenne.
Poids financier - Les mesures de l’accord visent à soulager financièrement les départements où se concentrent les MIE, dont le nombre total est estimé à environ 7 500, comme le Pas-de-Calais ou la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France (570 MIE environ pour un coût de 42 millions d’euros, soit 20 % du budget total de l’aide sociale à l’enfance).
Pour le conseil général d’Ille et Vilaine, qui prend actuellement en charge 450 de ces jeunes, le coût annuel s’élève à 21 millions d’euros, « une addition qui n’est pas supportable », souligne son président. Avec la réforme, Jean-Louis Tourenne espère réduire la note à environ 4 millons d’euros.
Conséquences néfastes sur la protection de l’enfance - À Paris (1 700 MIE en moyenne par an pour un budget annuel d’environ 96 millions d’euros), des professionnels du champ de la protection de l’enfance alertent sur les conséquences néfastes de ce poids financier.
Xavier Florian, directeur de l’association Métabole, explique ainsi que « le conseil général en est arrivé à opposer deux publics. D’un côté, les jeunes majeurs en difficulté qui pourraient bénéficier d’un contrat jeune majeur. De l’autre, les jeunes mineurs isolés, qui, une fois majeurs, peuvent aussi prétendre à un contrat jeune majeur. À la différence que la prise en charge des mineurs isolés étrangers est une compétence obligatoire des départements alors que celle des jeunes majeurs en difficulté est facultative ».
Selon ces professionnels du champ de la protection de l’enfance, le poids des MIE entraîne un durcissement des critères d’accès à un contrat jeune majeur par le conseil général de Paris afin de ne pas grever son budget. « En 2011, 45 % des contrats jeunes majeurs étaient d’anciens MIE ; en 2013, on atteint les 60 % », estime Xavier Florian.
Solidarité interdépartementale - Pour arriver à cette nouvelle organisation, tous les départements, et notamment ceux qui ne sont pas concernés par l’afflux migratoire, ont dû se mettre autour de la table. « Cette solidarité entre départements fut l’une des bonnes surprises de ces négociations. Je craignais que la tâche soit plus rude », souligne Jean-Louis Tourenne.
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