Sept mois de prison pour le maire d’un village andalou qui a vaincu le chômage, fléau de l’Espagne
Le maire de Marinaleda, Juan Manuel Sánchez Gordillo, vient d’être condamné à sept mois de prison. Il fait partie de quatre dirigeants du syndicat des travailleurs andalous SAT condamnés à sept mois de réclusion.
C'est un élu, un syndicaliste qui exalte la solidarité villageoise et ouvrière pour faire reculer la misère et l’égoïsme, voilà bien un citoyens européen à mettre en prison, et vite. Jerôme Cahuzac et les démonteurs de portiques ne nous contrediront pas.
Le maire révolutionnaire de Marinaleda a transformé le petit village défavorisé de Marinaleda en « utopie communiste ». En 2012, le village connaissait un taux de chômage de 5 %, alors qu’à la même époque le reste de l’Espagne affichait un taux de 25 %.
La semaine dernière, la Cour suprême d’Andalousie a également condamné le secrétaire général du syndicat SAT, Diego Cañamero. Les deux hommes sont poursuivis pour avoir occupé le domaine Las Turquillas durant l’été 2012. Cette finca est une propriété publique, le ministère de la Défense n’utilise que 20 des 1 200 hectares de cette propriété pour un haras, le reste est laissé en friche. En 2010 déjà, même le parti de droite Partido Popular (PP) avait reproché que seules 25 personnes étaient employées sur cette propriété, alors qu’une gestion saine et efficace générerait au moins 800 emplois. L’Andalousie est l’une des régions les plus touchées par le chômage en Espagne, avec un taux de 35,9 % selon les derniers chiffres officiels.
« Nous avons un problème, et ce problème c’est le capitalisme », a déclaré le maire Sánchez Gordillo le 11 novembre dernier lors d’une assemblée à Grenade, à l’ouverture du procès. « Ce qu’il faut c’est une véritable lutte anticapitaliste, à la fois révolutionnaire et capable d’ébranler le système. » Sur les 54 membres du syndicat assignés à comparaître, quatre ont été condamnés à une peine, les cinquante autres ont été acquittés.
Le SAT est connu pour ses actions spectaculaires. L’an dernier, le syndicat a fait la Une des journaux espagnols pour avoir mené dans les supermarchés une action de confiscation symbolique et avoir redistribué les aliments aux familles démunies. A plusieurs reprises, le syndicat a occupé des terres agricoles à l’abandon pour réclamer leur redistribution aux paysans sans terre. Depuis mai 2012, le syndicat occupe le domaine Somontes à Cordoue et y a créé une coopérative qui cultive des fruits et des légumes revendus sur les marchés locaux des alentours.
Photographier des agents de police : interdit !
Le gouvernement espagnol et le parlement, dominé par une majorité absolue du Partido Popular (PP), ont décidé de durcir le Code pénal contre ce type d’actions en particulier, mais aussi contre les simples manifestations. Ils ont proposé l’insertion d’au moins 16 nouveaux délits dans le Code pénal pour réprimer la protestation sociale. Ainsi, photographier des agents de police lors d’une manifestation sera désormais passible d’une amende d’un demi-million d’euros. Participer à une manifestation non autorisée devant le Congrès ou tout autre bâtiment public sera puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 600 000 euros, même si cette manifestation est pacifique.
Avec ces nouvelles mesures, le gouvernement espagnol espère empêcher que d’autres manifestations comme celle du 25 septembre 2012 puissent avoir lieu. Pour rappel, ce jour-là, des milliers de personnes ont participé à un blocage symbolique du Congrès et réclamé la démission du gouvernement. L’intervention brutale de la police a été filmée par de nombreuses caméras de télévision et téléphones portables. Des images choquantes montrent les forces de l’ordre poursuivant des manifestants dans la gare Atocha et tirant sur eux des balles en caoutchouc à l’intérieur du bâtiment. Plusieurs plaintes ont été déposées, mais, plutôt que d’enquêter, le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, a invité un inspecteur des forces de l’ordre à se pencher sur un durcissement du droit pénal.
A l’avenir, ce ne sont plus les brutalités des agents qui seront punies, mais les journalistes et les manifestants qui les photographient.
A l’avenir, toute manifestation sur un monument ou un immeuble public sera interdite. Greenpeace, connue pour ce genre d’actions spectaculaires, a déjà réagi. La semaine dernière, les activistes de l’ONG ont déployé sur l’immeuble de l’entreprise pétrolière Shell à Madrid une banderole de 315 m2 pour protester contre « la limitation du droit de protester pacifiquement ».
Carmela Negrete - 5 décembre 2013
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