Grand Paris Express : une bataille politique, une victoire de la banlieue
Publié le • Mis à jour le • Par Cédric Néau • dans : la Gazette
Le Grand Paris Express a pris son temps pour murir dans les esprits des pouvoirs publics et des élus. Mais en dépit de nombreuses incertitudes, notamment financières, le projet, remanié et relancé par la nouvelle majorité, est entré dans une phase a priori irréversible. Explications sur cette reprise en main gouvernementale sous la pression des élus
Ils sont les premiers expulsés du futur supermétro
Mauvaise surprise pour plusieurs habitants et commerçants de Champigny (Val-de-Marne). Afin de permettre la construction du Grand Paris Express, ils devront quitter leurs logements. Témoignages.
Fanny Delporte et Laure Parny | 19 Janv. 2015, le Parisien
« Quand on a reçu la lettre, on s'est demandé si c'était vrai. » Comme plusieurs riverains de l'avenue Roger-Salengro, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), cette habitante paraît sonnée. « La Société du Grand Paris doit acquérir la parcelle AG 175 située avenue Roger-Salengro vous appartenant », a-t-elle pu lire dans le courrier de la Société du Grand Paris(SGP), le 6 janvier.
Une quinzaine d'habitants devront donc partir. « Mon mari a travaillé toute sa vie pour avoir un toit, raconte cette femme de 79 ans. Je vis ici depuis quarante-deux ans, je ne sais pas où je vais aller. » Il leur faudra partir « avant la fin 2016 », croit savoir la boulangère du quartier. « Nous n'avons pas reçu le courrier, mais nous sommes sur la parcelle, explique-t-elle. On s'en va, ils vont tout raser. »
Tout cela à cause d'un ouvrage d'entonnement. Comprenez l'endroit où la ligne 15 se sépare en deux branches : l'une part vers Saint-Denis-Pleyel (Seine-Saint-Denis) et l'autre vers Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis). Pendant longtemps, le projet de Grand Paris Express avait été pensé avec une correspondance entre les deux lignes, et pas avec cette fourche. Et ce ne sont pas les tunneliers qui peuvent se rejoindre et créer l'entonnement. Il faut réaliser un chantier avec des machines qui creusent une grande surface, proche de celle d'une gare, à ciel ouvert. De tels travaux sont prévus entre 2017 et 2019. Les riverains concernés n'ont été prévenus qu'il y a quelques jours seulement.
Les commerçants ont aussi beaucoup de mal à encaisser. « Ça fait une semaine que je dors très mal, c'est une vraie claque, raconte Nathalie. Cela fait onze ans que nous travaillons ici. On savait qu'il y avait des travaux plus haut mais, ici, on ne s'attendait pas du tout à ça. » Comme l'ensemble des bâtiments, son restaurant sera rasé. « On a galéré les trois premières années, poursuit-elle. Maintenant, on va devoir repartir de zéro, mais on n'a plus l'âge. » Comme tous les riverains concernés, elle et son mari attendent de connaître le dédommagement qu'ils vont toucher.
« Nous ne pouvions pas les prévenir plus tôt : il fallait attendre les études, précise Benoît Labat, directeur de la valorisation et du patrimoine de la SGP. Mais, comme partout, nous serons attentifs au suivi humain et pas seulement financier, y compris s'il faut aider des locataires à se reloger. »
Tout cela à cause d'un ouvrage d'entonnement. Comprenez l'endroit où la ligne 15 se sépare en deux branches : l'une part vers Saint-Denis-Pleyel (Seine-Saint-Denis) et l'autre vers Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis). Pendant longtemps, le projet de Grand Paris Express avait été pensé avec une correspondance entre les deux lignes, et pas avec cette fourche. Et ce ne sont pas les tunneliers qui peuvent se rejoindre et créer l'entonnement. Il faut réaliser un chantier avec des machines qui creusent une grande surface, proche de celle d'une gare, à ciel ouvert. De tels travaux sont prévus entre 2017 et 2019. Les riverains concernés n'ont été prévenus qu'il y a quelques jours seulement.
Les commerçants ont aussi beaucoup de mal à encaisser. « Ça fait une semaine que je dors très mal, c'est une vraie claque, raconte Nathalie. Cela fait onze ans que nous travaillons ici. On savait qu'il y avait des travaux plus haut mais, ici, on ne s'attendait pas du tout à ça. » Comme l'ensemble des bâtiments, son restaurant sera rasé. « On a galéré les trois premières années, poursuit-elle. Maintenant, on va devoir repartir de zéro, mais on n'a plus l'âge. » Comme tous les riverains concernés, elle et son mari attendent de connaître le dédommagement qu'ils vont toucher.
« Nous ne pouvions pas les prévenir plus tôt : il fallait attendre les études, précise Benoît Labat, directeur de la valorisation et du patrimoine de la SGP. Mais, comme partout, nous serons attentifs au suivi humain et pas seulement financier, y compris s'il faut aider des locataires à se reloger. »
La moitié des parcelles de la ligne 15 sud ont déjà été achetées
L.P. | 19 Janv. 2015,
Impossible de savoir dès maintenant, pour la Société du Grand Paris(SGP), combien d'expropriations seront nécessaires en Ile-de-France pour construire le supermétro.
Mais, dès à présent, les acquisitions foncières vont bon train. L'objectif, pour la SGP, est de négocier à l'amiable avec les collectivités, les entreprises et les particuliers pour racheter leurs parcelles. En cas de désaccord, des expropriations pourront avoir lieu, notamment pour la ligne 15 sud qui commence, grâce à la déclaration d'utilité publique prise le 24 décembre.
« Ce document nous permet d'engager des procédures d'expulsion, mais nous faisons tout pour les éviter, et aucune n'est lancée à ce jour, insiste Benoît Labat, directeur de la valorisation et du patrimoine de la SGP. Nous avons commencé les acquisitions très en amont, dès le printemps 2012. D'ailleurs, pour la ligne 15 sud, qui est notre priorité actuellement, nous avons déjà acheté la moitié des parcelles nécessaires (NDLR : 33 ha à acquérir en tout). Ici, 75 % des acquisitions se font sur des emprises publiques. »
Une proportion qui ne sera pas aussi importante sur les futures lignes à construire, pour lesquelles la SGP commence également à acheter. Elle a, par exemple, acquis la parcelle nécessaire à sa future base chantier d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), une zone aux Grésillons à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), dont il faudra faire partir 70 entreprises, ou encore un parking à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Des négociations sont même déjà en cours pour la future gare de Versailles (Yvelines), alors que la ligne est seulement prévue en 2030.
Restera également à la SGP à solder la délicate question des tréfonds. Dans le droit français, chaque propriétaire foncier est propriétaire jusqu'au centre de la terre. De nombreux habitants de la région (18 000 rien que pour la ligne 15 sud), qui verront le Grand Paris Express passer sous leur jardin ou leur maison, toucheront ainsi quelques dizaines ou centaines d'euros, tout au plus, dans les mois à venir.
« Ce document nous permet d'engager des procédures d'expulsion, mais nous faisons tout pour les éviter, et aucune n'est lancée à ce jour, insiste Benoît Labat, directeur de la valorisation et du patrimoine de la SGP. Nous avons commencé les acquisitions très en amont, dès le printemps 2012. D'ailleurs, pour la ligne 15 sud, qui est notre priorité actuellement, nous avons déjà acheté la moitié des parcelles nécessaires (NDLR : 33 ha à acquérir en tout). Ici, 75 % des acquisitions se font sur des emprises publiques. »
Une proportion qui ne sera pas aussi importante sur les futures lignes à construire, pour lesquelles la SGP commence également à acheter. Elle a, par exemple, acquis la parcelle nécessaire à sa future base chantier d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), une zone aux Grésillons à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), dont il faudra faire partir 70 entreprises, ou encore un parking à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Des négociations sont même déjà en cours pour la future gare de Versailles (Yvelines), alors que la ligne est seulement prévue en 2030.
Restera également à la SGP à solder la délicate question des tréfonds. Dans le droit français, chaque propriétaire foncier est propriétaire jusqu'au centre de la terre. De nombreux habitants de la région (18 000 rien que pour la ligne 15 sud), qui verront le Grand Paris Express passer sous leur jardin ou leur maison, toucheront ainsi quelques dizaines ou centaines d'euros, tout au plus, dans les mois à venir.
« Peur d'être mis à la porte du jour au lendemain »
La famille Duvivier, menacée d'expulsion
F.D. | 19 Janv. 2015
Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le 6 janvier. « Si on nous donne un terrain, on s’en va », explique cette famille qui vit dans des caravanes, rue des Hauts-Bonne-Eau, depuis 1974. (LP/F.D.)
Quand, en 1974, Céline et Robert Duvivier, 87 et 86 ans aujourd'hui, ont installé leur caravane au bout de la rue des Hauts-Bonne-Eau, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), ils n'imaginaient pas être délogés un jour par un supermétro. « Il y a deux ans environ, une personne du Grand Paris est venue nous prévenir qu'on allait devoir partir avec les caravanes, raconte leur belle-fille.
Depuis, on a reçu plusieurs visites, notamment de la police, et on vit dans la peur d'être mis à la porte du jour au lendemain. » La famille compte sept personnes aujourd'hui, dont la plus jeune a 30 ans. Aucun ne se voit « prendre la route », comme cela a pu leur être suggéré. « On n'a jamais voyagé, on n'est pas des manouches, insiste l'un des fils de Céline et Robert. On vit comme tout le monde. On travaille, on paie nos impôts. » Leuravocat, Me Dominique Mathonnet, explique que « la parcelle sur laquelle ils se sont installés à l'époque appartenait en partie à leur oncle, en partie à Réseau ferré de France et à Champigny. »
Des voisins les soutiennent
Depuis, quarante ans se sont écoulés, « et la loi les rend propriétaires », affirme aujourd'hui leur avocat. Il a entamé une procédure judiciaire en ce sens devant le tribunal de Créteil. « Si cette propriété est confirmée, explique-t-on au Grand Paris, la SGP proposera une solution de rachat à l'amiable à la famille Duvivier, de manière à poursuivre la réalisation du Grand Paris Express. » Dans le cas contraire, elle proposera une solution de relogement à la famille.
Aujourd'hui, les Duvivier s'inquiètent pour leurs « aînés », Céline et Robert. « Ils sont très perturbés par tout ce qui se passe, raconte leur fils. Ils ont des problèmes de santé, ils font des allers-retours à l'hôpital. » « On a le même médecin depuis quarante ans, explique leur belle-fille. Comment faire si on doit partir ? » « Jusqu'ici, on ne nous a même pas proposé une cage à lapin, murmure Robert. On n'est pas des étrangers, on est des Campinois. Le facteur nous connaît très bien. » Des voisins ont d'ailleurs produit des attestations en leur faveur. « On sait qu'on ne peut pas aller contre ce qui se passe, expliquent-ils. Mais on demande juste à être dédommagés ou relogés. On ne demande pas un château. »
Des voisins les soutiennent
Depuis, quarante ans se sont écoulés, « et la loi les rend propriétaires », affirme aujourd'hui leur avocat. Il a entamé une procédure judiciaire en ce sens devant le tribunal de Créteil. « Si cette propriété est confirmée, explique-t-on au Grand Paris, la SGP proposera une solution de rachat à l'amiable à la famille Duvivier, de manière à poursuivre la réalisation du Grand Paris Express. » Dans le cas contraire, elle proposera une solution de relogement à la famille.
Aujourd'hui, les Duvivier s'inquiètent pour leurs « aînés », Céline et Robert. « Ils sont très perturbés par tout ce qui se passe, raconte leur fils. Ils ont des problèmes de santé, ils font des allers-retours à l'hôpital. » « On a le même médecin depuis quarante ans, explique leur belle-fille. Comment faire si on doit partir ? » « Jusqu'ici, on ne nous a même pas proposé une cage à lapin, murmure Robert. On n'est pas des étrangers, on est des Campinois. Le facteur nous connaît très bien. » Des voisins ont d'ailleurs produit des attestations en leur faveur. « On sait qu'on ne peut pas aller contre ce qui se passe, expliquent-ils. Mais on demande juste à être dédommagés ou relogés. On ne demande pas un château. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire