Le chantier du Grand Paris Express, le futur métro automatique, va engendrer des montagnes de déchets pendant quinze ans. Mal gérés, selon des députés très inquiets.
Le chantier du Grand Paris Express va générer au moins 60 millions de tonnes de déblais entre 2015 et 2030. L'équivalent de 1,5 million de semi-remorques. La Société du Grand Paris (SGP), chargée de construire le futur métro automatique, ses 72 gares et leurs quartiers alentour, évoque de son côté "environ 20 millions de mètres cubes, soit l'équivalent de 7.000 piscines olympiques". Les trois quarts de ces déchets proviendront du creusement des 200 km de tunnels autour de la capitale, des accès de secours et des puits d'aération ; le reste résultera de l'édification des gares et des centres de maintenance, de la démolition-reconstruction des immeubles adjacents, etc. Selon la SGP, les déblais à évacuer correspondront à "2.000 tonnes par jour en moyenne" (sic*), via une ou deux péniches ou 75 camions, quotidiennement, pendant quinze ans. Derrière ces chiffres, l'établissement public assure que tout a été "anticipé", avec le souci de "minimiser les incidences potentielles sur l'environnement".
"Promouvoir le recyclage des terres excavées"
Mais tout le monde ne partage pas cet optimisme. Un rapport d'information parlementaire a été remis à la mi-décembre par deux députés franciliens de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, Yves Albarello (UMP) et Alexis Bachelay (PS), chargés du suivi de la loi de 2010 relative au Grand Paris. Ceux-ci, après avoir auditionné pendant deux ans tous les acteurs du dossier, soulignent notamment "de nombreuses problématiques de soutenabilité". Ils se félicitent que "la SGP [ait] dû "revoir sa copie" de manière significative" avant le premier coup de pioche de la ligne 15, entre Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs. Mais "cette prise en compte [des enjeux environnementaux] peut être encore considérablement améliorée".
Le rapport parlementaire met en évidence "des capacités de stockage insuffisantes". La SGP recense 18 installations de stockage pour les déchets inertes (réutilisables), dix pour les déchets non dangereux et trois pour les déchets dangereux. "Il est évident que ce n'est pas assez, la SGP n'a pas vu assez grand. Au début, elle parlait de 40 millions de tonnes de déblais ; elle a été obligée de réévaluer son chiffrage à 60 millions", précise Alexis Bachelay. Conséquence : il faudra prévoir d'autres espaces de stockage, dans le Val-d'Oise – à Pierrelaye, sur un terrain que la Ville de Paris pourrait vendre à la SGP –, en Seine-et-Marne, voire au-delà de l'Île-de-France. Mais cela pose d'autres problèmes de développement durable.
Des sites pollués encore non identifiés?
C'est pourquoi les deux rapporteurs proposent de "mettre en place une véritable économie circulaire". Les terres excavées (sable, limons, argile, graviers…) et les déchets du BTP (béton, briques, verre, ballasts…) doivent pouvoir être "valorisés" et réemployés au maximum sur place, disent-ils. Afin de "limiter les déplacements des déchets", ils suggèrent la création de "plates-formes de stockage temporaires, près des chantiers", qui permettraient de les réutiliser directement, "in situ". Aujourd'hui, la région importe 45 % de sa consommation de granulats naturels (30 millions de tonnes par an) ; "près de 17 % des matériaux consommés en Île-de-France en 2010 avaient parcouru plus de 120 km entre leur lieu de production et leur lieu de consommation. Le Grand Paris peut être l'occasion de promouvoir à grande échelle le recyclage des terres excavées". Les deux députés préconisent de faire évoluer la réglementation en ce sens. Néanmoins, la SGP doute de la faisabilité de cette idée : "La réutilisation sur place de matériaux excavés sur site imposerait de pouvoir disposer de larges emprises pour effectuer la transformation des matériaux parfois pollués", prévient-elle.
Autre piste : "Les cahiers des charges des marchés publics devraient inclure la possibilité, voire l'obligation, d'utiliser des matériaux de construction recyclés", recommande le rapport. Alexis Bachelay va plus loin : "La SGP va être donneur d'ordre sur des centaines de chantiers, auprès de milliers d'entreprises ; elle doit pouvoir fixer les règles du jeu. Elle pourrait élaborer une charte, une sorte de label fixant quelques grands principes incontournables pour des chantiers exemplaires et écoresponsables." La loi sur la transition énergétique prévoit déjà un objectif de valorisation des déchets dans le BTP de 70 % à horizon 2020 (contre 40 % aujourd'hui). Le Grand Paris pourrait montrer l'exemple en dépassant cet objectif.
Autre inquiétude, les déblais pollués. Selon la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (Driee) d'Île-de-France, 5.000 hectares dans l'agglomération parisienne, dont 1.500 à Paris et en petite couronne, seraient pollués, à cause de l'"héritage industriel très important" de la région (hydrocarbures, métaux lourds, solvants, amiante…). "La mise en œuvre du Grand Paris pourrait conduire à la découverte de sites pollués non identifiés jusqu'à présent", note le rapport. Concernant ces déblais non réutilisables, les deux députés réclament, à l'unisson des associations écologistes, que soient "privilégiés les modes de transports alternatifs, par voie fluviale ou ferrée". Pour Michel Riottot, président d'honneur de l'association IDF Environnement (IDFE), "Il est absurde de creuser des tunnels partout. Le volet environnemental a été un peu bâclé." Un constat que n'est pas loin de partager le rapport parlementaire.
* Selon nos calculs, cela équivaut à 11 millions de tonnes sur quinze ans.
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