3 avril 2013

Décentralisation : révision du projet de loi, "tâtonnement et hésitation"


Le Monde.fr | 02.04.2013

Le président PS du Sénat, Jean-Pierre Bel, a annoncé mardi 2 avril que le gouvernement allait revoir sa copie sur la décentralisation en présentant "trois textes distincts" au lieu d'un seul, et repousser le calendrier.
Le projet de loi de réforme des collectivités, qui a suscité une opposition unanime des sénateurs PS, devait à l'origine être présenté d'un seul tenant au conseil des ministres du 10 avril. Désormais, l'examen des trois textes devrait être étalé dans le temps, selon M. Bel. Le premier concernera les métropoles, le deuxième les régions, le troisième, le reste.

  • "Un gros désaveu pour Lebranchu"
Au moment où Jean-Pierre Bel parlait à l'AFP d'un report du calendrier, la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu, était auditionnée par le groupe écologiste à l'Assemblée. "Il y a eu un petit problème d'interprétation manifestement", a commenté à l'issue de la réunion François de Rugy, coprésident du groupe. "La ministre ne nous a pas parlé de report, mais de séquençage en trois temps du texte, avec trois temps de débats et trois temps de vote [Paris, Lyon et Marseille/ les régions/ le reste], pas fixés pour le moment."
Pour un pilier de l'Assemblée nationale, le message est très clair : "C'est un gros désaveu pour Lebranchu, elle est très très mal là. Ça ne devrait pas être à Jean-Pierre Bel d'annoncer un truc pareil."
Carlos Da Silva, député de l'Essonne, remet en cause la méthode de la ministre :"Je regrette très clairement qu'on n'ait pas fait des choix dans le projet de loi. On a été dans une écoute trop large de chaque acteur, on ne peut pas donner raison à tout le monde. Marylise Lebranchu a voulu entendre chacun, c'était urbain de sa part, mais ça ne fait pas une décision politique."
La ministre chargée de la réforme est-elle fragilisée ? Pas pour Thierry Mandon, porte-parole du groupe des députés PS : "Elle-même disait déjà que par rapport à l'objectif initial, elle ne considérait pas que son œuvre soit achevée."
Jean-Pierre Bel a, lui, fait valoir que la décision de revoir la réforme avait été"confirmée par Jean-Marc Ayrault, devant les membres du groupe socialiste du Sénat" mardi, lors de leur réunion hebdomadaire. "Contrairement à ce qui s'était produit avec la réforme territoriale votée sous Sarkozy", le Sénat "a convaincu le gouvernement de revoir totalement sa copie et le calendrier", s'est félicité M. Bel.
  • "La confirmation du cheminement difficile d'un texte"
Pour Thierry Mandon, cette décision "est la confirmation du cheminement difficile d'un texte qui ne l'est pas moins." Pour le député Marc Dolez, responsable sur le texte pour le Front de Gauche, "l'avant projet de loi n'était pas accepté et suscitait de la part des élus locaux de l'incompréhension et de la colère. Que le gouvernement décide de reprendre sa copie est une bonne chose, mais il faut que cela s'accompagne d'une reprise de discussions avec les différents acteurs locaux."
François de Rugy, le patron des députés écolos, espère que la prochaine mouture du projet de loi ira plus loin : "Nous sentions de toute façon sur ce texte un peu de tâtonnement et d'hésitation. Pour nous qui sommes de fervents décentralisateurs, nous ne trouvions pas cette réforme très ambitieuse."
Christian Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a lui estimé qu'"il n'y a plus de socle majoritaire". "Jean-Pierre Bel, jusqu'à preuve du contraire, est socialiste", a-t-il souligné au cours de son point de presse hebdomadaire. "Le gouvernement est incapable de trouver le point d'équilibre", a-t-il commenté.
Le Front national a demandé l'abandon pur et simple de cette réforme, parce qu'elle "s'annonce aussi dévastatrice que les précédentes", selon le vice-président du FN, Florian Philippot. Selon lui, "la France ne souffre pas d'un déficit de décentralisation, mais d'un excès".
  • Trois projets de loi
Le premier texte, a précisé le sénateur de l'Ariège, concernera "la métropole et le fait métropolitain" et "devrait être soumis au Sénat dès ce printemps". Le deuxième projet de loi, "rassemblant les dispositions relatives au rôle des régions pour favoriser le développement économique, sera examiné dans quelques mois, pour permettre une nouvelle concertation".
Un troisième texte, "portant sur la clarification des compétences et les solidarités territoriales, fera l'objet de nouveaux échanges et d'un travail préparatoire approfondi, dans lequel le Sénat prendra toute sa part", a souligné le président du Sénat. Le texte initial prévoyait de créer localement des "conférences territoriales de l'action publique" (CTAP), réunissant les exécutifs locaux et chargée de définir l'articulation des compétences entre les collectivités.

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