article du dossier : Les enjeux de l'eau et les collectivités territoriales
Les recommandations du CAS sur l’équilibre économique des services de l’eau et de l’assainissement
L. Madoui | Publié le 04/04/2013
Deux notes du Centre d’analyse stratégique, publiées le 3 avril, étudient la rationalisation des dépenses et l’évolution de la tarification des services d’eau potable et d’assainissement. Elles formulent plusieurs propositions d’évolution, dont certaines s’appuient sur des expérimentations déjà mise en œuvre par des collectivités locales, d’autres menées à l’étranger.
Les régies publiques des collectivités locales y verront sans doute un « bon point » accordé à leur gestion : le Centre d’analyse stratégique (CAS) recommande l’adoption, par les délégataires privés de l’eau potable et de l’assainissement, d’une séparation de la trésorerie de ces services et de celle du budget général de la collectivité.
Transparence financière - Dans une note intitulée « Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 1) : Quelle rationalisation des dépenses pour les acteurs de la politique de l’eau ? [2] », publiée le 3 avril, le CAS préconise en effet d’étendre « aux services en délégation de service public (DSP) l’obligation d’ouverture d’un compte de trésorerie propre, déjà existante pour les services gérés en régie ».
Dans les territoires en DSP, « la trésorerie du service délégué est confondue avec l’ensemble de la trésorerie de la collectivité, au nom du principe de l’unité de caisse », expliquent les auteurs de l’étude.
Le CAS reprend le cas, cité dans le rapport annuel de la Cour des comptes de 2011 [3], d’une commune dont près d’un tiers du budget annexe de l’assainissement était affecté au budget principal.
Reprenant une recommandation de la Cour des comptes, le CAS défend en outre la possibilité, pour les services publics locaux, de placer leurs excédents budgétaires en vue de financer les investissements. Ce qui nécessiterait une évolution du Code général des collectivités territoriales, dont l’article L. 1618-1 [4] prohibe cette pratique.
Regroupement intercommunal - L’institution rattachée aux services du Premier ministre pointe par ailleurs l’émiettement des services, « source de surcoûts pour les consommateurs ».
Avec quelque 35 000 services en activité (14 376 pour l’eau potable, 17 686 pour l’assainissement collectif et 3 297 pour l’assainissement non collectif), la France présente une situation « sans équivalent en Europe ».
L’Angleterre et le Pays de Galles en comptent 22, les Pays-Bas 40, le Portugal 600 et l’Allemagne un peu plus de 13 000.
Si le CAS note les progrès de l’intercommunalité en matière d’eau potable, il souligne aussi « un retard important » dans le domaine de l’assainissement.
Prévenir les pollutions - Concernant les redevances perçues par les agences de l’eau, le Centre d’analyse stratégique constate qu’elles « sont impuissantes face aux pollutions diffuses et qu’elles n’ont pas permis de « réduire efficacement l’empreinte nitrate de notre agriculture ».
Comme la Cour des comptes, il plaide pour « un rééquilibrage des fonds récoltés par les agences (…) en faveur de mesures préventives contre les pollutions diffuses et pour la protection des milieux ».
Le CAS cite la référence classique de la ville de Munich, où l’achat de terres et l’aide à leur conversion à l’agriculture biologique ont coûté 2,5 fois moins cher que ce qu’elle aurait dû débourser pour la potabilisation d’une eau que l’agriculture conventionnelle aurait continué à charger en nitrates.
Citant encore la Cour des comptes, le CAS mentionne l’exemple du Danemark qui a soumis les exploitants agricoles à des quotas d’azote et taxé sévèrement les pesticides. Parallèlement, les efforts se sont concentrés sur le conseil aux agriculteurs et la recherche et développement et des sanctions pénales ont été appliquées aux fraudeurs. En dix ans, la présence d’azote, de phosphore et de pesticides dans les eaux a régressé de 30 % et la production agricole augmenté de 3 %.
Fiscalité et contrats environnementaux - En matière d’éco-fiscalité incitative, le Centre d’analyse stratégique est favorable à une hausse de la TVA (aujourd’hui à 7 %) sur les engrais azotés et à leur intégration dans le régime des redevances sur les pollutions diffuses perçues par les agences de l’eau. Il souscrit ainsi aux recommandations du rapport de Guillaume Sainteny sur « les aides publiques dommageables à la biodiversité », publié sous l’égide du CAS en 2012.
Le CAS conseille également de renforcer les aides financières allouées dans le cadre des mesures agro-environnementales et de porter la durée minimale des contrats au-delà des cinq ans aujourd’hui requis.
Diminuer la part fixe - Dans une deuxième note publiée également le 3 avril, intitulée « Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 2) : Comment améliorer la soutenabilité de la tarification de l’eau pour les ménages ?[5] », le Centre d’analyse stratégique s’intéresse au financement des services, confrontés à une baisse régulière des ventes (- 1 à 2 % par an), sur lesquelles sont assises les recettes.
Or, les ouvrages doivent être régulièrement entretenus et modernisés et le rôle des gestionnaires s’élargit, au-delà des missions historiques de distribution d’eau potable et d’épuration des eaux usées, à la préservation de la ressource et à la qualité des milieux.
Bien que, comme toute activité de réseau, les services d’eau et d’assainissement supportent plus de 80 % de coûts fixes, le CAS recommande de diminuer la part fixe de la facture (abonnement) au profit de la part variable, liée à la consommation, afin de responsabiliser les consommateurs et de pénaliser les plus gourmands.
Pour ce faire, il conseille de revoir les bases qui ont conduit à l’établissement du plafond de la part fixe défini par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques [6] (Lema) de décembre 2006, soit 30 % de la facture dans les communes urbaines et 40 % dans les communes rurales.
Selon le CAS, ces pourcentages ne devraient plus s’appliquer à la consommation « standard » de 120 m3 par an et par ménage mais à la consommation médiane, oscillant entre 80 et 90 m3/an/foyer.
Tarification progressive… et délicate - Au vu des exemples de Libourne (Gironde) et de Niort (Deux-Sèvres), le CAS juge concluante les premières applications de la tarification progressive.
« Une variable volumétrique progressive par tranche croissante (le prix des premiers mètres cubes est plus faible que celui des mètres cubes suivants) avec forte réduction, voire suppression, de la part fixe est un outil qui se révèle efficace afin de dissuader les consommations excessives », notent les auteurs de l’étude. Avant de reconnaître que « sa mise en place est délicate au vu de ses effets complexes et controversés en matière sociale ».
Pour éviter de pénaliser les familles nombreuses, le système de tarification devrait prendre « en compte le nombre d’individus par ménage ». Une donnée dont ne disposent pas les services d’eau et d’assainissement. Le CAS préconise, à tout le moins, la tarification progressive et/ou saisonnière, dans les collectivités sujettes au stress hydrique.
Rémunérer la performance environnementale et sociale - Le Centre d’analyse stratégique envisage une remise en cause du modèle économique des services, où l’opérateur ne serait plus seulement rémunéré sur la base des volumes consommés mais aussi en fonction d’indicateurs environnementaux et sociaux.
L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) serait chargé de la conception d’indicateurs de performance environnementale pertinents (rendement des réseaux, teneur en certains polluants dans les eaux épurées, taux de réussite des accords passés avec des industriels ou des agriculteurs).
« Un tel système, intégrant pleinement le « grand » cycle de l’eau, serait susceptible de conduire à une augmentation de la part fixe des recettes de l’opérateur, tout en répondant aux exigences croissantes en matière de préservation qualitative de la ressource », soulignent les auteurs de l’étude.
La rémunération intègrerait également des critères sociaux (compteurs individuels, télérelevés), qui permettraient d’affiner la connaissance des usagers et d’adapter aussi équitablement que possible le système de tarification.
Aides préventives - Indépendamment des règles de facturation, le CAS juge avec intérêt les systèmes d’aide préventive développés en Espagne, au Chili et en Australie, où sont distribués des bons aux foyers démunis.
Dans l’Hexagone, il cite le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) qui alloue, via les centres communaux d’action sociale (CCAS), des bons d’eau de 20 à 40 euros.
Ainsi que la proposition de l’Observatoire des usagers de l’assainissement en Ile-de-France (Obusass [7]) de versement d’une « allocation eau » par les caisses d’allocations familiales aux ménages dont la facture d’eau excèderait un certain pourcentage de leur budget (le seuil de 3 % étant recommandé par l’OCDE).
Le CAS invite le ministère de l’Ecologie à diffuser un document de référence à destination des communes et CCAS précisant les bonnes pratiques dans le domaine du soutien par bons.
Il reconnaît aussi la difficulté de mettre en place un tarif social sous la forme d’une suppression de la part fixe, dans un pays où 40 % des usagers ne reçoivent pas de facture individuelle.
Enfin, le CAS verrait d’un bon œil les collectivités s’emparer de la possibilité ouverte par la Lema de créer une taxe « eaux pluviales ».
Transparence financière - Dans une note intitulée « Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 1) : Quelle rationalisation des dépenses pour les acteurs de la politique de l’eau ? [2] », publiée le 3 avril, le CAS préconise en effet d’étendre « aux services en délégation de service public (DSP) l’obligation d’ouverture d’un compte de trésorerie propre, déjà existante pour les services gérés en régie ».
Dans les territoires en DSP, « la trésorerie du service délégué est confondue avec l’ensemble de la trésorerie de la collectivité, au nom du principe de l’unité de caisse », expliquent les auteurs de l’étude.
Le CAS reprend le cas, cité dans le rapport annuel de la Cour des comptes de 2011 [3], d’une commune dont près d’un tiers du budget annexe de l’assainissement était affecté au budget principal.
Reprenant une recommandation de la Cour des comptes, le CAS défend en outre la possibilité, pour les services publics locaux, de placer leurs excédents budgétaires en vue de financer les investissements. Ce qui nécessiterait une évolution du Code général des collectivités territoriales, dont l’article L. 1618-1 [4] prohibe cette pratique.
Regroupement intercommunal - L’institution rattachée aux services du Premier ministre pointe par ailleurs l’émiettement des services, « source de surcoûts pour les consommateurs ».
Avec quelque 35 000 services en activité (14 376 pour l’eau potable, 17 686 pour l’assainissement collectif et 3 297 pour l’assainissement non collectif), la France présente une situation « sans équivalent en Europe ».
L’Angleterre et le Pays de Galles en comptent 22, les Pays-Bas 40, le Portugal 600 et l’Allemagne un peu plus de 13 000.
Si le CAS note les progrès de l’intercommunalité en matière d’eau potable, il souligne aussi « un retard important » dans le domaine de l’assainissement.
Prévenir les pollutions - Concernant les redevances perçues par les agences de l’eau, le Centre d’analyse stratégique constate qu’elles « sont impuissantes face aux pollutions diffuses et qu’elles n’ont pas permis de « réduire efficacement l’empreinte nitrate de notre agriculture ».
Comme la Cour des comptes, il plaide pour « un rééquilibrage des fonds récoltés par les agences (…) en faveur de mesures préventives contre les pollutions diffuses et pour la protection des milieux ».
Le CAS cite la référence classique de la ville de Munich, où l’achat de terres et l’aide à leur conversion à l’agriculture biologique ont coûté 2,5 fois moins cher que ce qu’elle aurait dû débourser pour la potabilisation d’une eau que l’agriculture conventionnelle aurait continué à charger en nitrates.
Citant encore la Cour des comptes, le CAS mentionne l’exemple du Danemark qui a soumis les exploitants agricoles à des quotas d’azote et taxé sévèrement les pesticides. Parallèlement, les efforts se sont concentrés sur le conseil aux agriculteurs et la recherche et développement et des sanctions pénales ont été appliquées aux fraudeurs. En dix ans, la présence d’azote, de phosphore et de pesticides dans les eaux a régressé de 30 % et la production agricole augmenté de 3 %.
Fiscalité et contrats environnementaux - En matière d’éco-fiscalité incitative, le Centre d’analyse stratégique est favorable à une hausse de la TVA (aujourd’hui à 7 %) sur les engrais azotés et à leur intégration dans le régime des redevances sur les pollutions diffuses perçues par les agences de l’eau. Il souscrit ainsi aux recommandations du rapport de Guillaume Sainteny sur « les aides publiques dommageables à la biodiversité », publié sous l’égide du CAS en 2012.
Le CAS conseille également de renforcer les aides financières allouées dans le cadre des mesures agro-environnementales et de porter la durée minimale des contrats au-delà des cinq ans aujourd’hui requis.
Diminuer la part fixe - Dans une deuxième note publiée également le 3 avril, intitulée « Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 2) : Comment améliorer la soutenabilité de la tarification de l’eau pour les ménages ?[5] », le Centre d’analyse stratégique s’intéresse au financement des services, confrontés à une baisse régulière des ventes (- 1 à 2 % par an), sur lesquelles sont assises les recettes.
Or, les ouvrages doivent être régulièrement entretenus et modernisés et le rôle des gestionnaires s’élargit, au-delà des missions historiques de distribution d’eau potable et d’épuration des eaux usées, à la préservation de la ressource et à la qualité des milieux.
Bien que, comme toute activité de réseau, les services d’eau et d’assainissement supportent plus de 80 % de coûts fixes, le CAS recommande de diminuer la part fixe de la facture (abonnement) au profit de la part variable, liée à la consommation, afin de responsabiliser les consommateurs et de pénaliser les plus gourmands.
Pour ce faire, il conseille de revoir les bases qui ont conduit à l’établissement du plafond de la part fixe défini par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques [6] (Lema) de décembre 2006, soit 30 % de la facture dans les communes urbaines et 40 % dans les communes rurales.
Selon le CAS, ces pourcentages ne devraient plus s’appliquer à la consommation « standard » de 120 m3 par an et par ménage mais à la consommation médiane, oscillant entre 80 et 90 m3/an/foyer.
Tarification progressive… et délicate - Au vu des exemples de Libourne (Gironde) et de Niort (Deux-Sèvres), le CAS juge concluante les premières applications de la tarification progressive.
« Une variable volumétrique progressive par tranche croissante (le prix des premiers mètres cubes est plus faible que celui des mètres cubes suivants) avec forte réduction, voire suppression, de la part fixe est un outil qui se révèle efficace afin de dissuader les consommations excessives », notent les auteurs de l’étude. Avant de reconnaître que « sa mise en place est délicate au vu de ses effets complexes et controversés en matière sociale ».
Pour éviter de pénaliser les familles nombreuses, le système de tarification devrait prendre « en compte le nombre d’individus par ménage ». Une donnée dont ne disposent pas les services d’eau et d’assainissement. Le CAS préconise, à tout le moins, la tarification progressive et/ou saisonnière, dans les collectivités sujettes au stress hydrique.
Rémunérer la performance environnementale et sociale - Le Centre d’analyse stratégique envisage une remise en cause du modèle économique des services, où l’opérateur ne serait plus seulement rémunéré sur la base des volumes consommés mais aussi en fonction d’indicateurs environnementaux et sociaux.
L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) serait chargé de la conception d’indicateurs de performance environnementale pertinents (rendement des réseaux, teneur en certains polluants dans les eaux épurées, taux de réussite des accords passés avec des industriels ou des agriculteurs).
« Un tel système, intégrant pleinement le « grand » cycle de l’eau, serait susceptible de conduire à une augmentation de la part fixe des recettes de l’opérateur, tout en répondant aux exigences croissantes en matière de préservation qualitative de la ressource », soulignent les auteurs de l’étude.
La rémunération intègrerait également des critères sociaux (compteurs individuels, télérelevés), qui permettraient d’affiner la connaissance des usagers et d’adapter aussi équitablement que possible le système de tarification.
Aides préventives - Indépendamment des règles de facturation, le CAS juge avec intérêt les systèmes d’aide préventive développés en Espagne, au Chili et en Australie, où sont distribués des bons aux foyers démunis.
Dans l’Hexagone, il cite le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) qui alloue, via les centres communaux d’action sociale (CCAS), des bons d’eau de 20 à 40 euros.
Ainsi que la proposition de l’Observatoire des usagers de l’assainissement en Ile-de-France (Obusass [7]) de versement d’une « allocation eau » par les caisses d’allocations familiales aux ménages dont la facture d’eau excèderait un certain pourcentage de leur budget (le seuil de 3 % étant recommandé par l’OCDE).
Le CAS invite le ministère de l’Ecologie à diffuser un document de référence à destination des communes et CCAS précisant les bonnes pratiques dans le domaine du soutien par bons.
Il reconnaît aussi la difficulté de mettre en place un tarif social sous la forme d’une suppression de la part fixe, dans un pays où 40 % des usagers ne reçoivent pas de facture individuelle.
Enfin, le CAS verrait d’un bon œil les collectivités s’emparer de la possibilité ouverte par la Lema de créer une taxe « eaux pluviales ».
REFERENCES
- Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 1) : Quelle rationalisation des dépenses pour les acteurs de la politique de l’eau ?, CAS, 3 avril 2013
- Pour une gestion durable de l’eau en France (volet 2) : Comment améliorer la soutenabilité de la tarification de l'eau pour les ménages ?, CAS, 3 avril 2013
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