17 janvier 2013

"On ne doit pas renoncer à réhabiliter l'honnêteté en politique"



Entretien. Nous avons posé quelques questions à Jean-Luc Trotignon, d'Anticor. 
Sous-titrée "Contre la corruption, pour l'éthique en politique", cette association assume pleinement son indépendance face aux différents pouvoirs.

Pouvez-vous nous présenter l'association Anticor et ses principales revendications ?
Anticor est née en 2002 dans un contexte de sursaut politique et citoyen faisant suite à l’accession du candidat d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, au second tour des élections présidentielles, face à un Jacques Chirac qui ne devait qu’à son statut de chef d’État de ne pas avoir répondu de ses délits face à un tribunal. Ce sursaut, les fondateurs d’Anticor, dont le juge Eric Halphen et Séverine Tessier, l’ont vécu comme une exigence d’engagement, non pas partisan mais démocratique. 
La conviction qui rassemble les membres d’Anticor n’est donc pas celle de porter la voix d’un parti en particulier, mais d’exiger de tous les partis et de leurs élus le comportement irréprochable inhérent à leurs responsabilités politiques. On ne doit pas renoncer à réhabiliter l’honnêteté en politique, même si une poignée d’élus confondent leurs intérêts privés et l’intérêt général, malheureusement souvent avec le silence complice de plusieurs de leurs collègues. Nous affirmons qu’il est possible de faire de la politique autrement, sans pratiquer le clientélisme, sans tricher et en écartant de la scène politique tous ceux qui ont commis des délits dans l’exercice de leur fonction.

Que pensez-vous du récent rapport Jospin sur la « modernisation de la vie publique » qui entend répondre à certaines des préoccupations d'Anticor ?

Le rapport Jospin recommande effectivement certaines mesures préconisées par Anticor depuis 10 ans, mais de façon insuffisante. 
Nous approuvons l’interdiction pour les parlementaires de tout cumul avec un mandat exécutif local et l’interdiction de percevoir une rémunération pour les autres mandats locaux, l’interdiction pour les ministres du cumul avec tout mandat local, l'accès public aux déclarations d'intérêts et d'activités obligatoires des parlementaires, la prévention des conflits d’intérêts avec la création d’une Haute autorité de déontologie et d’un réseau de déontologues que des citoyens « lanceurs d'alerte » pourraient directement saisir, la réforme du statut pénal du chef de l’État, la suppression de la Cour de justice de la République et la suppression de la possibilité pour les anciens présidents de siéger à vie au Conseil constitutionnel. 
Mais de nombreuses lacunes sont à regretter dans le rapport Jospin en matière de garantie de la transparence de la vie publique, de lobbyisme, d’indépendance de la justice, de moyens donnés aux juridictions financières et pour le droit d’ester en justice pour des associations citoyennes comme la nôtre. Enfin il est incompréhensible que ne soit pas proposé, dans un tel rapport, la limitation du cumul des mandats dans le temps, qui est indiscutablement un facteur de clientélisme et d’autres dérives notoires.
Malheureusement, on sait que le corporatisme des cumulards de tout bord accrochés à leurs prérogatives et à leurs avantages va jouer à fond, et on peut craindre qu’il ne reste que très peu de choses de ce rapport d’ici quelques semaines…

Anticor a porté plainte pour détournement de fonds publics à propos des fameux « sondages de l'Élysée ». Pouvez-vous nous présenter l'affaire et où elle en est actuellement ?

En 2009, Anticor avait déposé plainte pour favoritisme, suite à un rapport des magistrats de la Cour des comptes qui dénonçait des irrégularités dans la gestion par l’Élysée en 2007 de la commande de plusieurs sondages, faite sans appel d’offres à hauteur de 1, 5 million d'euros auprès d’un proche de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson. Un long bras de fer judiciaire a alors eu lieu, pendant lequel il nous a été officiellement répondu que l’immunité présidentielle s’étendait à ses collaborateurs. Ce bras de fer s’est achevé par un arrêt définitif de la Cour de cassation le 19 décembre dernier, qui a enfin ordonné l’ouverture de l’information judiciaire.
Parallèlement, nous avons eu de nouveaux éléments sur les sondages de l’Élysée grâce à la ténacité de l’un de nos adhérents, Raymond Avrillier, qui a obtenu la communication de l’ensemble (ou presque) des sondages financés par les contribuables pour l’Élysée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy. 
Or nombre de ces sondages n’avaient rien à voir avec l’intérêt général. Les Français ont en effet été sondés pour savoir ce qu’ils pensaient de l’union du Président avec Carla Bruni, pour savoir quelles seraient les qualités nécessaires d’un candidat PS à la Présidentielle, pour savoir ce qu’ils pensaient de la prestation télévisée de tel ou tel concurrent politique du Président… Bref, des sondages au profit du locataire de l’Élysée qui auraient dû être financés soit par lui-même, soit par l’UMP, mais en aucun cas par l’ensemble des contribuables français. D’où notre seconde plainte de l’automne dernier pour détournement de fonds publics, plainte pour laquelle le Parquet a ouvert une enquête préliminaire en cours. 

Charte d'Anticor écrite à l'occasion des dernières législatives pour présenter les principales revendications de l'association :
http://anticor.files.wordpress.com/2012/05/charte-anticor-lc3a9gislatives-juin-2012.pdf

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