Dans un discours prononcé vendredi 22 février 2013 à Vesoul, la ministre de l’égalité des Territoires a détaillé sa feuille de route. Au programme : des moyens concentrés sur les zones « meurtries » et un projet de loi dédié à l’automne.
Vesoul et la Haute-Saône ont-ils vu « la naissance d’une nouvelle politique », l’égalité des territoires ? Cécile Duflot l’a assuré au terme de son allocution du 22 février [2]. C’est là, au cœur d’un département oublié des grands axes autoroutiers, que la ministre avait choisi de « réceptionner » le rapport « Vers l’égalité des territoires[3] ». Une somme coordonnée par Eloi Laurent, économiste à Sciences Po et à Stanford. Cécile Duflot a salué ces travaux « mêlant démarche universitaire et regards d’élus ».
Surtout, elle a confirmé que le projet de loi « Lebranchu » [4] comporterait un chapitre consacré à la mutualisation des services publics, à l’aménagement numérique et à la réforme de l’ingénierie territoriale. Selon plusieurs sources convergentes, ce texte sera présenté en conseil des ministres le 27 mars.
Ce 22 février, Cécile Duflot a aussi annoncé la tenue de mars à juin de conférences régionales sur l’égalité des territoires. A l’issue de cette phase, se réunira un comité interministériel à l’aménagement et au développement du territoire (CIADT).
Un rendez-vous qui débouchera, à l’automne, sur un projet de loi dédié. Gros plan sur les priorités de Cécile Duflot en matière d’égalité des territoires.
Une réforme du zonage
A Vesoul, la représentante du gouvernement a pointé « le contresens historique de ceux qui défendent une métropolisation libérale du pays ». « Les territoires ruraux ne sont ni des réserves foncières pour exfiltrer les populations dont on ne veut plus en ville, ni des terrains de jeu pour les citadins », a-t-elle martelé, dans un discours au cours duquel elle a prononcé 42 fois le mot « égalité ».
Les moyens de l’Etat, a promis Cécile Duflot, seront concentrés sur « les territoires meurtris ». En clair, seront privilégiés les « zones rurales, les quartiers de la politique de la ville, les zones périurbaines et les villes petites et moyennes ».
Une réforme du zonage sera menée en ce sens. Les conclusions du Comité interministériel des villes du 19 février serviront de matrice. Le gouvernement entend donner davantage de subsides à un plus petit nombre de territoires.
Deux types de contrats
Pour la ministre, les contrats de projets Etat-région (CPER), qualifiés de « stratégiques », doivent s’accompagner de « contrats territoriaux adaptés aux projets des élus et conformes aux enjeux locaux ». Une façon, à ses yeux, de tourner le dos à la « logique d’appel à projets », source « de pure compétition ». Pour réussir cette mission, Cécile Duflot doit agir vite. L’actuelle génération des CPER s’achève fin 2013.
Des « services au public » mutualisés
Cécile Duflot rompt avec la sémantique traditionnelle de la gauche. Elle ne parle plus de « services publics » mais de « services au public ». Le chapitre « égalité des territoires » de l’avant-projet de loi « Lebranchu » prévoit, dans ce secteur, un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité.
Dans sa version du 11 février, ce texte crée aussi « un fonds national de développement des espaces mutualisés de services au public ». L’Etat et les grands opérateurs seront mis à contribution.
Des pôles d’aménagement et de développement ruraux
« Afin de fédérer les coopérations entre territoires ruraux », le gouvernement « s’inspire du dispositif des pôles métropolitains ». Il instaure, dans son avant-projet de loi, une nouvelle catégorie d’établissement public : le pôle d’aménagement et de développement rural. Cette structure, formée sur la base du volontariat, peut réunir les communes, les EPCI à fiscalité propre, le département et la région. Ces pôles, selon l’exposé des motifs de l’avant de projet de loi « pourront, au regard de leurs compétences, se substituer aux pays créés par la loi du 4 février 1995 ».
« La suppression de la TP a entraîné une redistribution à l’envers »
Hervé Guéry est directeur-fondateur du Centre d’observation et de mesure des politiques sociales (COMPAS). Il a participé à l’élaboration du rapport d’Eloi Laurent. Interview.
L’égalité des territoires n’est-elle pas en recul ?
Nous assistons à une spécialisation territoriale, sociale et économique. Les écoles de territoires proches accueillent, pour les unes, 5 à 7 % d’enfants de milieux défavorisés, pour les autres, 70 %. Les inégalités à l’intérieur d’une région n’ont jamais été aussi fortes.
Nous avons mené, au COMPAS [5], une étude sur les dynamiques socio-spatiales en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La suppression de la taxe professionnelle a abouti à une redistribution à l’envers. Les territoires les plus industriels et les plus fragiles perdent le gros de leurs ressources. Les territoires à économie résidentielle, où prospère le tertiaire « haut de gamme », sont les grands vainqueurs de cette réforme qu’à ma connaissance, le gouvernement n’entend pas remettre en cause.
Nous avons mené, au COMPAS [5], une étude sur les dynamiques socio-spatiales en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La suppression de la taxe professionnelle a abouti à une redistribution à l’envers. Les territoires les plus industriels et les plus fragiles perdent le gros de leurs ressources. Les territoires à économie résidentielle, où prospère le tertiaire « haut de gamme », sont les grands vainqueurs de cette réforme qu’à ma connaissance, le gouvernement n’entend pas remettre en cause.
L’Etat a-t-il toujours les moyens de mettre en œuvre une politique d’égalité des territoires ?
Le rôle de l’Etat, aujourd’hui, consiste essentiellement à mobiliser les collectivités, c’est-à-dire à « faire faire », plutôt qu’à « faire ». Pour mener une politique à la fois ciblée et réfléchie, il doit ouvrir ses données. Nous, chercheurs, avons un mal fou à accéder aux statistiques de l’Education nationale ou au nombre de foyers surendettés répertorié de la Banque de France. La connaissance de ces données est, pourtant, un facteur d’égalité des territoires.
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