Elections : une piste pour réduire l’abstention
Une chercheuse de l’université de Cergy-Pontoise a mené une étude sur l’abstention, dont elle a dévoilé les résultats hier.
Le Parisien LAURENCE ALLEZY | Publié le 20.03.2013
Trois enseignants ont mené une longue enquête sur l’abstention dans les quartiers populaires de douze villes de France, dont Cergy et Gonesse. Selon eux, le problème vient surtout de la procédure d’inscription sur les listes électorales.
Défiance des partis, symptôme d’une société en crise… Les responsables politiques se rejoignent souvent pour analyser les raisons de l’abstention. Et si l’explication était bien plus primaire? « Les citoyens, notamment ceux des quartiers populaires, n’en ont pas rien à faire d’aller voter. Ils sont justes loin du processus car ils ne comprennent pas la phase d’inscription qui précède », livre Céline Braconnier, chercheuse en sciences politiques et professeur à l’université de Cergy-Pontoise.
C’est ce que révèle l’expérimentation menée à la veille des élections présidentielle et législatives de 2012 dans les quartiers populaires de douze villes de France*, dont Cergy et Gonesse. L’enquête tend même à privilégier l’inscription d’office des citoyens sur les listes à chaque déménagement, comme c’est le cas en Espagne, par exemple.
La chercheuse a livré hier soir à la mairie de Cergy les détails de ce travail de fourmi qu’elle a mené en collaboration avec Jean-Yves Dormagen, son homologue à Montpellier, Vincent Pons, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), mais aussi avec des étudiants et des militants. Le trio s’est inspiré d’une méthode américaine qui vise à intervenir sur la réalité pour mieux comprendre le sujet étudié.
Des quartiers passés au crible. « A l’automne 2011, nous avons retenu 48 bureaux de vote, pour identifier à la fois les non-inscrits mais aussi les mal-inscrits, les citoyens qui n’ont pas changé de lieu de vote après un déménagement, par exemple. Les mairies ont accepté de collaborer et nous ont fourni les listes électorales », détaille Céline Braconnier. Les noms figurant sur les listes ont été confrontés avec ceux relevés sur les milliers de boîtes aux lettres des quartiers. « Cela nous a permis d’identifier 38000 individus qui ne figuraient pas sur ces listes. Certains parce qu’ils sont étrangers, mais d’autres, bien français, parce qu’ils sont mal ou pas inscrits », poursuit la sociologue. Pour l’étude, ils ont été divisés, au hasard, en sept groupes, dont l’un mis de côté pour faire office de contrôle.
Des méthodes d’approche différentes. Les six groupes ont été approchés en octobre-novembre 2011 et/ou juste avant Noël, à la veille de la date limite pour s’inscrire sur les listes électorales. Certains ont reçu une simple information sur la marche à suivre pour s’inscrire; d’autres se sont vu proposer une procédure d’inscription d’office. « Nous sommes allés chez eux pour qu’ils nous fournissent leurs documents et nous délivrent une autorisation afin qu’on aille en mairie les inscrire nous-mêmes, explique Céline Braconnier. Nous avons été surpris de la confiance que ces personnes ont bien voulu nous accorder. »
Des inscriptions en hausse. En mars 2012, une fois les nouvelles listes électorales publiées, l’expérience a montré « une hausse très sensible » des inscriptions sur les douze villes étudiées. « En comparant avec le groupe de contrôle, on note une augmentation de 12% des inscriptions sur la période octobre-novembre 2011 et de 24% en décembre pour les personnes justes informées, analyse la sociologue. Pour celles ayant reçu l’aide à domicile, la hausse est de 28% et de 30% sur les deux périodes. L’effet le plus fort se ressent sur le groupe qui s’est vu proposer en octobre et en décembre cette assistance, puisque les inscriptions ont fait un bond de 53% », retient Céline Braconnier.
Les nouveaux inscrits votent autant que les autres. C’est l’enseignement de la seconde partie de l’expérimentation. Au lendemain de la présidentielle, l’étude des listes d’émargement a parlé. « Dans le groupe de contrôle, les nouveaux inscrits ont voté à 88,5% ; ceux qui avaient reçu une information, à 87,4% ; et ceux inscrits d’office, à 86,2%. Ce qui montre que tous votent dans la même proportion », rapporte Céline Braconnier. Les résultats sont proportionnels sur les législatives.
Le trio de chercheurs publiera ces résultats dans les semaines à venir. Il envisage déjà de poursuivre l’étude dans quatre ans, au sein des quartiers plutôt favorisés cette fois.
1 commentaire:
merci pour ces informations qui me seront bien utiles pour nourrir le débat sur ce sujet crucial...
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