28 juin 2013

Discrimination à l’embauche : mieux vaut habiter Paris que le 93 pour obtenir un entretien

A qualification égale, les candidats dans la restauration ont moins de chances de décrocher un entretien si leur adresse est située en Seine-Saint-Denis plutôt que dans la capitale. Tel est le résultat d’un testing sur les discriminations territoriales, effectué par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) et publié mardi 18 juin.
La Gazette - Par H. Soutra  - AFP
Publié le 19/06/2013 
La mesure des écarts deux à deux de réponse aux candidatures en fonction des différentes adresses met en avant un effet très fort du département”, pointent d’emblée les auteurs de l’étude (1): “les CV localisés à Paris ont plus de chances d’accéder à l’entretien d’embauche que les CV localisés en Seine-Saint-Denis.”

Ainsi, un serveur non qualifié qui répond à une offre avec une adresse parisienne a 20% de chances de décrocher un entretien, alors que ses chances tombent à 10% avec une adresse dans le 93.
Discrimination davantage liée au département - Réalisée pour le compte de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), les résultats de l’étude se basant sur la méthode de mesure de la discrimination dit du « testing » est sans appel : ils ont été obtenus suite à l’envoi de 3.000 CV fictifs, en réponse à des offres d’emploi de serveurs ou cuisiniers, entre octobre 2011 et février 2012.
Si l’effet de quartier peut également être discriminant, il reste moins significatif que celui du département. A qualification égale, le quartier joue un rôle à Paris selon que le candidat réside dans un environnement favorisé ou non, mais n’a que peu d’incidence en Seine-Saint-Denis : le candidat résidant au Raincy et non dans une cité de Bondy souffre, quoi qu’il advienne, de la mauvaise réputation de son département.
Pas de “prime à la proximité - Contrairement à l’alibi qui pourrait être avancé par les patrons auteurs de discriminations, cette prégnance de l’effet département ne se justifie pas par une « prime à la proximité des candidats » (2) : “on constate que la différence dans les taux de réponse est plus importante lorsque la différence de temps de transport est supérieure à 10 minutes. Cependant, un effet persiste tout de même pour les offres où l’écart de temps de transport est inférieur à 10 minutes. L’effet de la localisation géographique des candidats par rapport aux offres n’invalide pas l’existence d’un effet du département sur l’accès à l’emploi” préviennent les auteurs.
Les serveurs plus discriminés que les cuisiniers - Autre fait qui ressort de cette analyse : l’écart est plus important “pour les profils de serveurs que pour ceux de cuisiniers”, ajoutent-ils.
Cela peut s’expliquer, selon les auteurs, par le manque de cuisiniers disponibles sur le marché de l’emploi – et du fait le risque plus grand de discriminer pour l’employeur – ou parce que le métier de serveur “est plus en contact avec les clients”, et qu’en l’espèce, il demande “la maîtrise de codes de communication spécifiques, sur lesquelles les préjugés des employeurs pourraient être plus importants.”
Pour rappel, le ministre délégué à la Ville qui présentera dans les semaines à venir un projet de loi portant réforme de la politique de la Ville – ensemble de dispositions et de moyens publics ne disant pas leurs noms : fléchés en direction des banlieues et autres quartiers paupérisés, et non vers l’ensemble de la ville ni toutes les villes – est également en charge d’une mission interministérielle sur la lutte contre les discriminations, « liées à l’adresse et à l’origine réelle ou supposée », intervenant à l’embauche ou lors d’une demande de logement.
Par ailleurs, les entreprises installées dans dix intercommunalités (3)expérimentent depuis le début du mois 2 000 “emplois francs” (et 10 000 d’ici fin 2015) : elles reçoivent une subvention à hauteur de 5 000 euros pour l’embauche de jeunes de moins de 30 ans issus des quartiers prioritaires, quel que soit leur niveau de qualification.

Méthodologie :

L’étude se limite au secteur de la restauration, qui a l’avantage de présenter plusieurs professions – dont les métiers testés de serveur et cuisinier – suffisamment en tension pour que les offres d’emploi disponibles soient nombreuses.
Ces candidatures se distinguent par une seule caractéristique qui pourrait potentiellement donner lieu à des discriminations. Ici : l’adresse.
Six profils identiques ont donc été construits, à l’exception de l’adresse des demandeurs située dans des quartiers huppés, moyens ou populaires de Paris ou Seine-Saint-Denis (4).
Ces trois niveaux d’adresse permettent de tester différents effets : la réputation du département (Paris par rapport à la Seine-Saint-Denis), la réputation de la commune, et enfin celle du quartier.
Suite au testing, les différences de réponses aux candidats quant à l’accès à un éventuel entretien d’embauche doit permettre de valider, ou non, l’hypothèse de l’existence d’une discrimination liée à l’adresse.
In fine, cela signifie que d’autres discriminations susceptibles de se produire plus tard dans la chaîne de l’embauche – comme lors de l’entretien lui-même par exemple – n’ont pas été mesurées.
Note 02:
si les offres disponibles sont plus accessibles pour les candidats parisiens, les employeurs auront objectivement plus d’intérêt à retenir ces candidats. - Retourner au texte
Note 03:
Fort-de-France, Sarcelles, Clichy/Montfermeil, Amiens, Saint-Quentin, Lille/Roubaix, Grenoble, Marseille, Toulouse, Perpignan -Retourner au texte
Note 04:
quartier favorisé : Place du Tertre pour Paris, Le Raincy pour la Seine-Saint-Denis ; quartier intermédiaire : rue Championnet pour Paris, Bondy hors Zone urbaine sensible pour la Seine-Saint-Denis ; quartier classé en Zone urbaine sensible : La Goutte d’Or à Paris, cité Blanqui à Bondy pour la Seine-Saint-Denis - Retourner au texte


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