UFC Que-choisir alerte dans son dernier rapport sur le retour de la « malbouffe » dans les restaurants scolaires, malgré le récent règlement sur l'équilibre nutritionnel. Et pour cause, la loi est encore déconnectée des réalités.
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N° 47 - mai 2013
Le mirage Notre-Dame-des-Landes |
Il est 13h. Le bol de céréales du petit-déj est loin. Les entrailles des ados gargouillent dans la file d’attente de la cantine. Arrivés devant les plats, on se tâte. Hareng-brocolis-clémentine ou nuggets-frites-brownie ? Devinez ce que le cerveau d’un lycéen commandera à son corps d’engloutir.
Le trop plein de gras, l’absence réglementaire de crudités et de fruits, les plats préparés qui remplacent la viande rouge ou le poisson. Autant de failles que dénonce l’association de consommateurs UFC-Que choisir dans son rapport [1] publié mardi 19 mars. Pourtant, la réglementation sur l’équilibre nutritionnel, entrée en vigueur en septembre dernier, dicte les bons gestes à adopter. Malgré cet encadrement législatif récent, la malbouffe perdure.
Faire semblant d’être équilibré... pour être plus économe
La loi exige que « quatre ou cinq plats (soient) proposés à chaque déjeuner ». Mais plus intelligent que la diversité des produits, UFC-Que choisir penche pour « le choix dirigé ». Olivier Andrault, chargé de mission alimentation de l’association, fait la traduction : « La loi dit précisément que sur une période de vingt jours, il faut proposer au moins quatre fois du poisson (ce qui fait hurler les végétariens !) Pour être plus malin, autant proposer, le même jour, un poisson peu connu au goût fort, et un autre, un poisson blanc, plus neutre. » Là pas le choix, il faudra manger de la poiscaille. Le gratin de patates ne viendra pas à la rescousse. « Cela fait longtemps que les spécialistes de la restauration scolaire le recommandent, mais le choix dirigé n’est toujours pas intégré dans la réglementation ! C’est de l’hypocrisie ! », poursuit Olivier Andrault.
Si la solution nous pend au nez, pourquoi ne pas l’inclure dans la loi ? Parce que proposer un cordon bleu à côté d’un poisson, ça ne joue pas seulement la caution du « on s’engage pour l’équilibre nutritionnel grâce à une vraie diversité de repas ». C’est surtout très économe ! « Tous les spécialistes de cantine le diront, affirme Olivier Andrault. On commande 90% de cordon bleu, car c’est beaucoup moins cher et qu’on sait que quasiment tous les élèves le préfèreront au pavé de poisson. C’est connu comme le loup blanc ! »
Pour changer la donne, il faudrait viser ceux qui composent les assiettes de nos enfants. Et là, ce n’est pas une mince affaire. En primaire, les cantines sont gérées par la commune. Si un parent réalise que son petiot mange pâtes et pizzas tous les jours, il ira se plaindre au maire. « La proximité génère une certaine pression », remarque Olivier Andrault. Le hic, c’est pour le collège (géré par le département) et le lycée (sous l’égide de la région). « Pour faire pression sur ces décideurs-là, il faut se lever tôt ! Qui connaît le nom de son conseiller général ? »
Ces élus locaux qui font blocage
D’autant que les ténors des collectivités locales la voient plutôt d’un mauvais œil, cette loi. « C’est déprimant. Les élus locaux veulent revenir dessus », s’indigne Olivier Andrault. Question d’idéologie : ils veulent se débarrasser de cette pression de l’Etat. En effet, en décembre dernier, Jean-Claude Boulard, maire du Mans (Sarthe), et Alain Lambert, président du conseil général de l’Orne, se sont donnés pour mission de diminuer le nombre d’obligations réglementairess’appliquant aux collectivités locales, via la Commission consultative d’évaluation des normes.
Dans le lot, l’arrêté relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire. De quoi rendre furieux l’UFC. « Cette loi est trop générale et en retard sur la réalité. Mais c’est la seule qui impose de faire manger quatre fois de la viande sur une période de vingt jours. Si on abroge cette loi, il ne reste plus rien du tout ! » L’arrêté chiffre en effet la fréquence à laquelle les plats sont proposés (annexe 1) et la taille des portions (annexe 2).
Aussi dans la ligne de mire de l’association, les cafétérias et les sandwicheries. L’étude a remarqué que 48 établissements secondaires en comptaient, sur les 600 établissements passés au peigne fin. Et eux ne sont pas concernés pas la loi. « Ces stands offrent de la junk food, plus attirante pour un adolescent que la cantine classique, regrette Florence Rossi Pacini, diététicienne et membre de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN). Ce sont des apports alimentaires supplémentaires concentrés en sucres et graisses. Le risque est que l’adolescent grignote à la pause, n’ait plus faim au déjeuner, et remange à la cafétéria l’après-midi. C’est un cercle vicieux. »
La récente propagation des cafétérias dans le secondaire a été « une surprise » qu’UFC-que choisir a découverte durant l’enquête. « La réglementation a un train de retard, voire deux ou trois, regrette Olivier Andrault. Ces étals vendent librement sodas et sucreries alors que les distributeurs automatiques ont été retirés des établissements en 2005 (article 30). Quand ce n’est pas la machine qui offre une alimentation malsaine, c’est l’homme derrière son stand. » La malbouffe trouve toujours une porte dérobée.
JUSTINE BOULO 20 mars 2013
[1] L’étude publiée mardi 19 mars a analysé les cantines de 606 communes françaises de plus de 10 000 habitants.
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