Afin de savoir si les éducateurs de rue contribuent à la prévention de la délinquance, Mathieu Flinois, chercheur au laboratoire méditerranéen de sociologie (Lames) a infiltré des équipes d’éducateurs de rue qui exercent dans les quartiers nord de Marseille. Il présentait les premiers résultats de cette enquête de terrain à l’occasion des quatrièmes journées d’étude de l’observatoire régional de la délinquance, le 7 juin 2013, à Aix-en-Provence. Pour le club Prévention Sécurité il en livre les principaux constats. Par I. Verbaere La Gazette Publié le 12/06/2013
Le débat sur la prévention de la délinquance et la prévention spécialisée est un vieux serpent de mer. Pourquoi y consacrer une étude aujourd’hui ?
C’est une commande de l’Association Départementale pour le Développement des Actions de Prévention (Addap13), la seule association de prévention spécialisée dans les Bouches-du-Rhône. Elle est présente sur 80 lieux répartis dans 22 communes. J’ai suivi le travail du service implanté sur les 15 e et 16-earrondissements de Marseille qui compte 22 éducateurs. J’ai participé aux réunions et accompagné trois équipes sur le terrain pendant six mois. Les dirigeants de l’Addap souhaitaient que je montre que les interventions que la prévention spécialisée conduit, contribuent à la prévention de la délinquance. Ils comptent sans doute s’appuyer sur cette étude pour justifier de leur utilité auprès des autres institutions et notamment dans le cadre des discussions du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (Clspd). La question « qui fait quoi » n’est pas tranchée.
Dans quelle mesure les éducateurs de rue que vous avez suivis font-ils de la prévention de la délinquance ?
C’est l’essentiel de leur travail ! Aider un jeune à rédiger un CV, veiller à ce qu’il se lève pour aller à un rendez-vous, parfois même l’y l’accompagner, lui expliquer comment se tenir lors d’un entretien avec un futur patron, lui rappeler qu’il est interdit de circuler en deux-roues sans casque : toutes ces actions lorsqu’elles s’adressent à des jeunes en difficultés dont la plupart dealent, participent à la prévention de la délinquance.
Pourquoi ces profesionnels considèrent-ils le terme « prévention de la délinquance » comme un gros mot ?
Pour plusieurs raisons. D’abord les éducateurs spécialisés refusent que leurs interventions se résument à un traitement de la délinquance. Ils le rappellent leurs missions relèvent de la protection de l’enfance et ont de nombreuses autres finalités : l’insertion, la médiation des conflits, la prévention en santé… Ils redoutent aussi qu’on leur demande de livrer des informations sur les jeunes qu’ils suivent et de devenir le bras armés des élus locaux.
Enfin ce terme renvoie à la culture du résultat. Les élus locaux attendent des solutions qui ont fait leur preuve. Or les éducateurs sont très hostiles à l’idée qu’un contrôle s’établisse sur les actions qu’ils mènent au jour le jour dans le quartier. Ils ne veulent avoir à rendre des comptes. Lorsqu’on leur demande de décrire les techniques qu’ils déploient sur le terrain, ils sont dans la défensive et répondent par des valeurs : le respect de l’anonymat, la libre adhésion des jeunes.
Rien qui soit mesurable, quantifiable. Mais les autres partenaires que j’ai pu rencontrer sur le terrain, la Protection judiciaire de la jeunesse notamment (PJJ), sont aussi très loin de se plier aux exigences de l’évaluation.
Les éducateurs de rue n’ont pas de techniques de travail dont les effets soient mesurables ?
Bien sûr qu’ils en ont. Lorsqu’ils font de la présence sociale dans le quartier par exemple, le parcours dans la rue ou dans la cage d’escalier est balisé et répond à une technique reproductible et mesurable que chaque éducateur a intériorisée.
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